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10 mars 2009 2 10 /03 /mars /2009 13:10

L’exploitation aurifère en Guyane : pour une prise de conscience des dégradations

 

Didier MOULLET, Pascal SAFFACHE

Université des Antilles et de la Guyane, Campus de Schœlcher, Département de Géographie, BP 7207, 97275 Schœlcher Cedex, Martinique

 

Aujourd’hui, certaines expertises permettent d’apprécier l’origine du mercure présent dans les sols et les fleuves guyanais. S’il est vrai que l’activité aurifère accentue la présence de ce métal dans le milieu, elle permet aussi de mieux localiser les pôles émetteurs.

L’orpaillage affecte le milieu de deux façons : par contamination directe (l’usage de ce métal par l’orpailleur) et indirecte (une dégradation des zones d’exploitation - érosion, déforestation - qui remet en circulation le mercure stocké dans le sol).

Pour mieux cerner l’impact du mercure sur le milieu, les principaux facteurs de contamination et les méthodes sous-tendant leur diminution seront présentés. Un bref rappel historique sera réalisé afin de mieux cerner cette activité en Guyane.

 

*          *          *

 I. Du mythe de l’eldorado aux firmes multinationales

Le premier gisement aurifère guyanais fut découvert en 1855 par un brésilien d’origine amérindienne (Paoline) dans un des affluents de l’Approuague. Il rapporta quelques grammes d’or au commissaire de son quartier (Félix Couy) qui devint le premier européen à exploiter un gisement en Guyane française (Strobel, 1998).

L’activité aurifère clandestine débuta aussitôt ; des titres d’exploitation furent pourtant délivrés légalement, mais les demandes étant supérieures à l’offre, les défrichements clandestins se multiplièrent. Il est à noter que les pôles d’émission de la main-d’œuvre aurifère dépassèrent très largement les frontières guyanaises (Carmouze et al., 2001).

Un autre élément contribua aussi à cette ruée vers l’or : après l’abolition de l’esclavage en 1848, l’ancienne main-d’œuvre servile boycotta l’économie de plantation au profit de l’activité aurifère. Si au début, les principales exploitations appartenaient à des européens (anciens propriétaires d’esclaves), d’anciens esclaves devinrent très rapidement exploitants.

 

Aujourd’hui, l’activité clandestine est un véritable fléau en Guyane française et les tentatives d’éradication s’avèrent infructueuses, en raison de l’immensité du territoire (90 000 km2). Il n’empêche qu’elles sont nécessaires, car les conditions de travail des clandestins sont précaires (manque d’hygiène, absence de soins en cas d’accidents, exposition aux métaux lourds) et les atteintes au milieu nombreuses (déforestation, érosion des sols, pollution des sols et des rivières).

Bien que l’orpaillage soit le mode d’exploitation des gisements aurifères le plus répandu en Guyane française, certaines PME et firmes multinationales commencent à s’intéresser aux « filons ». Leurs activités demeurent toutefois circonscrites en raison de l’absence de prospection minière ; en effet, ces entreprises ne peuvent se lancer aveuglément dans une exploitation sans disposer au préalable d’un inventaire géologique, leur permettant d’obtenir un aperçu du potentiel minier de la région. A partir des inventaires miniers réalisés par le BRGM, le potentiel de la Guyane française fut mis à jour et de nombreuses firmes multinationales investirent des sommes colossales en peu de temps (Carmouze et al., 2001).

 

Si l’activité aurifère est importante en Guyane française, son impact environnemental l’est tout autant. Cependant, c’est surtout l’orpaillage clandestin qui est pointé du doigt, car il favorise l’imprégnation et/ou la dissémination mercurielle ; le mercure étant utilisé par les orpailleurs dans le but d’amalgamer les paillettes d’or.

 

II. La contamination mercurielle

Bien que le mercure soit un élément naturellement présent dans les sols guyanais (Roulet et al, 2001), ce sont les techniques employées par les orpailleurs qui accentuent sa concentration et la pollution du milieu.

Si les acteurs du secteur aurifère légal font de nombreux efforts pour préserver l’environnement – les firmes multinationales devant réhabiliter les sites exploités – l’orpaillage clandestin est très nocif, car il consiste à récupérer de fines paillettes d’or en dénudant le sol (très souvent à l’aide de moyens semi-industriels : pelles mécaniques, pompe à eau à haute pression, etc.)  et en le mélangeant à de l’eau afin d’obtenir une solution turbide ; l’ensemble est ensuite associé à du mercure pour faciliter l’amalgame des paillettes d’or. Il faut près de 1,3 kg de mercure pour amalgamer 1 kg d’or. L’amalgame est ensuite récupéré puis pressé et la pâte obtenue est chauffée de façon à éliminer 70 % du mercure résiduel (Carmouze et al., 2001). Le mercure utilisé par les orpailleurs est souvent rejeté dans le milieu où il s’associe au mercure présent naturellement dans les sols. Par bio-accumulation ce mercure se fixe dans les chairs des poissons qui sont ensuite consommés par les populations riveraines. Une étude de l’InVS et de l’INSERM (1994) a mis en lumière l’imprégnation mercurielle de la population Wayana (population amérindienne de Guyane Française) ; près de la moitié des individus sélectionnés concentrent des teneurs en mercure supérieures aux normes recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé (10 µg/g) ; cela résulterait de leur consommation quotidienne de poissons. L’orpaillage est donc l’un des principaux facteurs de contamination de la chaîne trophique.

 

III. Quelques méthodes de surveillance et de sensibilisation

La photographie aérienne et les images satellitales sont des outils qui permettent d’obtenir des informations précises relatives à l’activité aurifère (localisation des sites clandestins et vérification des périmètres d’exploitation des sites légaux d’exploitation). Grâce à la réflectance  il est possible d’apprécier la turbidité de l’eau, la nature de cette dernière et la profondeur des cavités (barranques) creusées par les orpailleurs. Il est ainsi possible de  surveiller le développement de l’activité aurifère et ses effets sur le milieu.

D’autres procédures, mises en place par la DRIRE, consistent à éduquer les orpailleurs en leur faisant prendre conscience des dangers qu’ils encourent à manipuler le mercure et l’impact que leurs rejets ont sur le milieu.

 

*          *          *

 Bien que ces solutions n’aient pas encore donné de résultats quantifiables, elles représentent tout de même un espoir pour la sauvegarde du milieu.

Bibliographie

- Carmouze J.-P. et al. 2001.  Le mercure en Amazonie : rôle de l’homme et de l’environnement. Paris : IRD éditions, Collection Expertise Collégiale, 494 p.

- Charlet L., Boudou A. 2002. Cet or qui file un mauvais mercure, La recherche, 359, p. 52-59.

- Huyghues-Belrose V. et al.  1988. L’orpaillage en Guyane : du siècle des lumières aux années folles. Seconde édition revue et corrigée, S.L. : publié sous les auspices du Conseil Général.

- Institut de Veille Sanitaire (InVS), Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

- Polidori L. n.d. Introduction à la télédétection spatiale. Cours de télédétection : École supérieure des géomètres et topographes, p 16-17.

- Strobel M.B. 1998. Les gens de l’or. Matoury :  Ibis Rouge Éditions, p 71-114.

 

 

 

 

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9 mars 2009 1 09 /03 /mars /2009 14:28

Article paru sur www.larecherche.fr

 

  Cet OR qui file un mauvais mercure

 

Laurent Charlet, Alain Boudou

 

Pourquoi des Amérindiens qui vivent dans des zones reculées de la Guyane, loin de toute activité minière, sont-ils contaminés par du mercure ? Plusieurs années d'enquête et d'analyses mettent en lumière le périple compliqué de ce métal, depuis les camps des chercheurs d'or jusque dans la chair des poissons préférés des Indiens.

En 1994, une étude du Réseau national de santé publique et de l'Inserm révèle une contamination au mercure, neurotoxique pour l'homme, chez des populations d'Amérindiens vivant dans des zones reculées de la Guyane, les Wayanas. Après cette alerte, des études plus poussées sont menées en 1997 [1]. Elles confirment des taux d'imprégnation* importants dans les villages qui bordent le fleuve Haut Maroni : 57 % des Wayanas ont une concentration en mercure dans les cheveux supérieure à 10 µg/g, la valeur seuil recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les examens neurologiques et les tests d'évaluation psychologique et comportementale des enfants n'ont cependant pas mis en évidence de déficiences majeures. On est loin de la centaine de morts que fit la contamination d'origine industrielle à Minamata, au Japon, dans les années cinquante. Mais les tests effectués chez les enfants ont néanmoins révélé des réflexes rotuliens accrus, une moins bonne coordination des jambes, une diminution des capacités d'organisation visuo-spatiale, le tout étant lié aux ingestions de mercure [2]. Comment est-il ingéré ? Par la consommation de poissons : selon l'enquête nutritionnelle, tout Wayana entre 15 et 45 ans en consomme en moyenne 350 grammes par jour. Certains hommes adultes peuvent même en manger jusqu'à 600 grammes les jours de grande pêche [3]. Or les niveaux de contamination des poissons sont tels que la quantité de mercure ingérée par semaine (entre 200 et 450 µg) est égale, voire deux fois supérieure, à la dose hebdomadaire tolérable* recommandée par l'OMS, et jusqu'à dix fois plus élevée que la nouvelle dose de référence définie par l'Agence pour la protection de l'environnement aux États-Unis.

Le CNRS met alors en place un programme de recherche interdisciplinaire sur le sujet [4] : pour concevoir et proposer les mesures à prendre, c'est tout le cheminement biogéochimique du mercure, de ses sources aux cheveux des Amérindiens, qu'il faut comprendre et quantifier. Le mercure est un métal très particulier dont le cycle est complexe [5,6]. C'est le seul métal présent sous forme gazeuse dans l'atmosphère, il peut donc circuler à l'échelle du Globe. Il est aussi l'un des seuls capable de s'accumuler le long de la chaîne alimentaire, on parle alors de bioamplification : c'est ce processus qui peut conduire à une contamination humaine [7]. Le mercure existe sous trois formes principales : le mercure élémentaire (Hg°), le mercure divalent (Hg (II)) et le méthylmercure (MMHg) [fig. 2]. Cette dernière forme est la plus toxique pour l'homme, celle qui est bioamplifiée. Mais elle n'est pratiquement jamais le résultat direct des activités humaines : où, quand et comment est-elle donc produite ? À partir de 1998, une douzaine d'équipes s'attellent à résoudre l'énigme. Différentes questions se posent : d'où vient ce mercure ? Sous quelle forme est-il émis ? Où est-il transformé en méthylmercure et en quelles quantités ? Dans quelles conditions cette forme toxique s'accumule-t-elle dans les poissons ? Pour étudier les différents aspects du problème, cinq sites ont été sélectionnés [voir fig.1 ci-contre]. Deux d'entre eux sont situés en aval de mines d'or, suspectées d'être les sources de mercure : la rivière Petit Inini, au niveau du site minier de Dorlin, au sud-ouest de la Guyane ; et la zone de Saint-Elie, avec la rivière Leblond, qui se déverse dans le barrage hydro-électrique de Petit-Saut, localisé à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Kourou. Le troisième site est la retenue du barrage elle-même, où le mercure peut être volatilisé ou transformé en méthylmercure. Un quatrième site, Ecerex, sert de référence. Il se trouve de l'autre côté de Kourou, sur la côte près de l'embouchure de la rivière Sinnamary, loin des mines d'or et de leurs retombées atmosphériques. Et, bien sûr, un site a été choisi en territoire Wayana, près du village d'Antecume-Pata, à la frontière avec le Surinam.

Très vite, les résultats ont confirmé la responsabilité des chercheurs d'or. Après la ruée vers l'or de la fin du XIXe siècle, comme l'ensemble du bassin amazonien, la Guyane française connaît une nouvelle course au métal précieux depuis une vingtaine d'années. Les nouveaux orpailleurs, pour la plupart illégaux, exploitent principalement des sites ayant déjà été explorés superficiellement et utilisent du mercure élémentaire pour séparer l'or des autres particules. Ils dégagent d'abord les sites de leur couverture végétale et des couches superficielles, parfois avec des moyens semi-industriels. Puis, ils érodent les sols par projection d'eau, dans des fosses d'exploitation, les « barranques ». Ils peuvent aussi exploiter directement les sédiments des cours d'eau, qui sont alors aspirés à partir de barges flottantes. Dans les deux cas, la boue produite est acheminée par des pompes puissantes vers des tables inclinées qui retiennent les paillettes d'or dans un tapis. Entre alors en scène le mercure : c'est le seul métal liquide à température ambiante capable de concentrer les fines particules d'or en formant avec elles un amalgame, semblable aux « plombages » utilisés par les dentistes. Au cours de l'opération d'amalgamation, une partie du mercure élémentaire est rejetée directement dans la rivière, sous forme de billes similaires à celles qui s'échappent d'un thermomètre qui se brise. L'amalgame est quant à lui récupéré et chauffé avec un chalumeau, l'or restant au fond du récipient alors que le mercure est volatilisé.

Le mercure est très peu recyclé

Bien qu'une importante partie du mercure puisse être facilement recyclée par distillation et que l'on sache aujourd'hui purifier l'or sans mercure, la majorité des camps d'orpaillage illégaux utilisent l'amalgame sans recycler le métal. De plus, beaucoup d'orpailleurs considèrent qu'au-delà de deux ou trois utilisations, le mercure perd ses propriétés d'amalgamation. Dans la plupart des cas, il est alors enfoui dans le sol, à l'intérieur même des camps ou à proximité, sous couvert forestier. Ainsi, en moyenne, pour chaque kilogramme d'or extrait, on consomme 1,3 kilogramme de mercure élémentaire, dont 65 % à 85 % sont rejetés dans l'atmosphère et retombent, via les précipitations, plus ou moins loin des zones d'émission [8]. Quant à la production totale d'or en Guyane française, elle varie suivant les sources : 3 tonnes par an pour la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire), 6 tonnes par an d'après les déclarations aux services des douanes, 10 tonnes (voire 12) selon des sources non officielles tenant compte des exploitations « illégales » et de l'exportation clandestine [9]. C'est donc en gros entre 5 et 10 tonnes de mercure qui sont rejetées dans l'air, les sols et les rivières de Guyane chaque année. À l'échelle de l'ensemble du bassin amazonien, on estime ces rejets annuels à plus de 200 tonnes [8,10]!

Mais les chercheurs d'or sont-ils les seuls responsables de la contamination au mercure ? Des travaux récents ont montré qu'en Amazonie brésilienne les apports de mercure attribuables aux activités d'orpaillage et à la déforestation des trente dernières années représenteraient moins de 3 % des teneurs cumulées dans les sols superficiels [10]. Contrairement aux sols européens, qui datent seulement de la fin de la dernière glaciation (c'est-à-dire d'environ dix mille ans), les sols tropicaux ont accumulé, souvent plusieurs millions d'années durant, de grandes quantités de mercure d'origine naturelle, via les retombées atmosphériques des émissions volcaniques et océaniques. Ces sols, souvent épais d'au moins plusieurs mètres, sont donc de véritables réservoirs à mercure, qu'ils stockent sous sa forme divalente (Hg (II)). Et ce d'autant plus qu'ils sont riches en matière organique et en oxydes de fer. Les travaux menés dans la région du Tapajos, au Brésil, indiquent des teneurs allant de 10 à 30 mg/m2 dans les vingt premiers centimètres du sol, soit environ dix fois plus que dans les sols des régions tempérées et boréales [10]. Qu'en est-il exactement en Guyane ? Les mesures effectuées près des rivières Leblond, Toussaint (site Ecerex) et Petit Inini par Michel Grimaldi, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), et ses collaborateurs, confirment l'importance de ces stocks naturels et montrent même qu'ils sont bien plus élevés qu'au Brésil : dans les sols riches en oxydes de fer, les teneurs atteignent une moyenne de 1 000 mg/m2 sur les trois premiers mètres de profondeur ! Mais il faut noter que les différences sont très fortes d'un type de sol à l'autre.

Une partie de ce mercure peut retourner vers l'atmosphère, lorsque les sols sont temporairement saturés en eau, comme l'ont démontré David Amouroux, chimiste à l'université de Pau, et Michel Grimaldi sur le site Ecerex. Dans de tels milieux privés provisoirement d'oxygène, des bactéries peuvent transformer le mercure divalent en forme élémentaire volatile, soit directement via l'intervention d'une enzyme (la réductase mercurique), soit indirectement en produisant du fer ferreux qui, à son tour, réduit le mercure [11]. Mais les expériences réalisées en laboratoire par Jean-Paul Gaudet et ses collaborateurs à l'université de Grenoble indiquent que plus de 90 % du mercure reste piégé dans les sols à l'échéance d'une vingtaine d'années. Il y est peu mobile, la très grande majorité du métal étant liée aux agrégats du sol. Ainsi, tant que l'on ne touche pas à ces sols, aucune contamination significative n'est à craindre, et le mercure - pourtant massivement présent - ne passe même pas dans les eaux souterraines. En revanche, tous les processus qui contribuent à accroître l'érosion des sols, qu'ils soient d'origine naturelle (comme le ruissellement lors des orages) ou anthropique (comme les activités minières, la déforestation, l'agriculture ou la construction des réseaux routiers), génèrent un flux important de matières en suspension, donc potentiellement de mercure.

Eau filtrée : aucun danger

À la différence de l'Amazonie brésilienne, où la déforestation est déjà très importante, la couverture végétale est encore quasi intacte en Guyane. Les activités d'orpaillage y sont pratiquement les seules à amplifier les phénomènes d'érosion naturelle. Même quand ils ne rejettent pas directement de mercure élémentaire lors de l'amalgamation, les chercheurs d'or « injectent » donc dans les rivières des particules porteuses du mercure divalent, jusque-là piégé dans les sols.

C'est par le biais de l'eau que le mercure finit par contaminer les Indiens Wayanas qui, rappelons-le, contrairement aux orpailleurs clandestins (lire « Les plus exposés, les moins contrôlés », p. 58), n'ont jamais été au contact du mercure par inhalation. Mais cela n'explique pas tout car, étonnamment, une fois filtrée*, l'eau des rivières amazoniennes ne contient pratiquement pas de mercure ! Marina Coquery, de l'Agence internationale de l'énergie atomique de Monaco, a mesuré la concentration en mercure dans l'eau filtrée de différents sites à l'aide de techniques dites ultrapropres. Ces concentrations sont de l'ordre du nanogramme ou milliardième de gramme de mercure par litre, ce qui correspond, à titre de comparaison, au rapport entre la surface d'un timbre-poste et celle d'un département français ! À de tels niveaux d'ultra-traces, la moindre contamination pendant le prélèvement ou le transport des échantillons fausse complètement les mesures, qui sont aujourd'hui effectuées, après une étape de préconcentration du mercure élémentaire sur des pièges d'or, par spectrométrie de fluorescence* atomique. La consommation d'eau filtrée ne présente donc aucun danger pour les populations, pas plus que les baignades dans l'ensemble des cours d'eau du bassin amazonien. Comment alors expliquer que les poissons pêchés soient impropres à une consommation quotidienne ?

Les teneurs en mercure mesurées dans le muscle dorsal des poissons, sur l'ensemble des sites, montrent tout d'abord que de très grandes différences existent entre les espèces : les poissons piscivores, situés au sommet des chaînes alimentaires, peuvent concentrer mille fois plus de mercure que les espèces herbivores strictes, se nourrissant uniquement de végétaux aquatiques ou de feuilles, fleurs et fruits provenant des rives des cours d'eau [3]. Mais, quel que soit le poisson considéré, le mercure s'accumule majoritairement dans le tissu musculaire sous une nouvelle forme chimique, le méthylmercure, la forme toxique que l'on retrouve dans les cheveux des Amérindiens. Selon les espèces, ce composé représente 70 % à 100 % du mercure total [12]. Cela est d'autant plus surprenant que le méthylmercure est très peu abondant au sein des biotopes aquatiques (colonne d'eau et sédiments) : il y représente le plus souvent moins de 1 % du mercure total, dans l'eau comme dans les particules, soit des concentrations de l'ordre du centième de milliardième de gramme par litre.

On sait que cette forme organique du métal est produite à partir du mercure divalent. Cette transformation, la méthylation*, est principalement assurée par des bactéries associées au cycle du soufre, même si d'autres voies de cette réaction existent [13]. Elle se fait au sein des compartiments aquatiques dépourvus d'oxygène, comme les eaux anoxiques des plaines inondées ou des lacs stratifiés, ainsi que dans les couches superficielles des sédiments [14]. Mais les bactéries sont aussi capables de dégrader le méthylmercure et de produire in fine du mercure élémentaire. Cela explique le bilan peu important de la production nette de méthylmercure. Cependant, même à partir de ces teneurs très faibles, voire négligeables, dans l'eau et les sédiments, le méthylmercure est capable d'atteindre des concentrations spectaculaires dans le tissu musculaire des espèces situées au sommet des réseaux alimentaires [fig.3]. Les résultats de Régine Maury-Brachet, de l'université de Bordeaux, montrent par exemple que l'espèce Hoplias aimara, un poisson carnivore/piscivore sédentaire et abondant dans les cours d'eau de Guyane, concentre dans ses muscles jusqu'à cinquante millions de fois plus de méthylmercure que l'eau, dépassant ainsi de trois fois les normes* en vigueur [15].

Cette bioaccumulation dépend-elle du taux de mercure total du départ ? Nous avons comparé deux rivières voisines en amont du barrage de Petit-Saut : Leblond, aux eaux turbides en raison des activités d'orpaillage de la zone de Saint-Elie, et Courcibo, aux eaux claires car non orpaillée au cours des dernières décennies [fig. 4]. Leblond contient environ cinq fois plus de particules en suspension, et donc beaucoup plus de mercure total que Courcibo. On pouvait donc s'attendre logiquement à un excès de contamination des poissons dans la rivière Leblond. Or, il n'en est rien : le dosage dans le muscle de douze espèces communes aux deux cours d'eau ne montre pas de différences significatives entre l'un et l'autre. Le vrai facteur déterminant est donc le taux de méthylmercure présent dans l'eau filtrée et non celui du mercure total. Les teneurs en méthylmercure sont en effet très proches dans les deux rivières, représentant 1 % du mercure total dissous pour Leblond, et 1,7 % pour Courcibo, d'où une bioamplification similaire dans les deux cours d'eau.

Toute une chaîne de réactions

On voit ainsi toute la difficulté à définir la contamination d'un milieu uniquement par la concentration totale en mercure, qui est un indicateur certes relativement simple à mesurer mais insuffisant. C'est toute une chaîne de réactions biogéochimiques qu'il faut prendre en compte. L'étude du barrage de Petit-Saut, mis en eau en 1994 pour alimenter en électricité le centre spatial de Kourou, est exemplaire à cet égard. Cette retenue, qui a recouvert plus de 350 km2 de forêt amazonienne, a très rapidement été dépourvue d'oxygène sur la quasi-totalité de la colonne d'eau. En 2001, sept ans après la mise en eau, seuls les 5 premiers mètres étaient oxygénés. Tout le reste (la profondeur maximale est de 35 mètres) est donc un milieu favorable tant à la réduction qu'à la méthylation du mercure [11, 16]. Les dosages de méthylmercure à diverses profondeurs dans le lac, et juste à l'aval du barrage, indiquent des concentrations moyennes de 0,50 ng/l, soit plus de dix fois celles mesurées en amont et dans les autres sites ! Ainsi, la retenue de Petit-Saut se comporte comme un réacteur biogéochimique capable de générer de fortes quantités de méthylmercure qui sont exportées vers l'aval, via les eaux profondes de la retenue qui alimentent les turbines du barrage. Les concentrations mesurées chez neuf espèces de poissons communes aux différentes stations (Courcibo, Leblond, retenue, aval du barrage) prouvent à nouveau le rôle clé du méthylmercure dans l'eau. Les poissons capturés juste en aval du barrage en accumulent nettement plus que ceux pris en amont et dans les autres sites, jusqu'à dix fois plus pour l'espèce Curimata cyprinoides.

Ainsi de tous les sites étudiés le plus contaminé se trouve en réalité à des centaines de kilomètres des villages du Haut Maroni. D'autres populations pourraient donc être plus exposées au mercure, à condition d'être de grandes consommatrices de poissons comme les Indiens Wayanas. Pour les identifier, un inventaire est en cours (niveaux de contamination des principales rivières de Guyane, tant au niveau des sédiments que des poissons) ainsi que des études similaires à celles menées sur les Wayanas, dans d'autres secteurs de la Guyane (Sinnamary, Bas Maroni, etc.).

Au vu de l'ensemble de ces résultats, que peut-on faire pour contrôler la pollution au mercure et tenter d'en réduire les conséquences ? Aborder cette question conduit inévitablement à recommander de traiter l'ensemble des problèmes économiques, sociaux, culturels et politiques que pose l'orpaillage [8]. Car cette activité est bel et bien responsable de la contamination, soit directement par apports de mercure élémentaire, soit indirectement par l'amplification des processus d'érosion des sols.

La première mesure, la plus efficace et la seule dont on soit actuellement certain du résultat, consisterait à convaincre les Amérindiens de ne plus manger certains poissons carnivores/piscivores (les études réalisées en 1997 sur les villages Wayanas montraient que quatre espèces sont à elles seules responsables de plus de 70 % des apports nutritionnels en mercure [3]) et de consommer plutôt les espèces herbivores et omnivores. Une telle mesure semble difficilement acceptable pour eux. Elle pourrait être envisagée dans le cadre de campagnes d'information pertinentes et adaptées - les autorités guyanaises y travaillent actuellement - tenant compte de l'importance des poissons carnivores dans la culture des Amérindiens. Quand on leur en parle, ces derniers répondent légitimement que les poissons à éviter sont les meilleurs et que l'on devrait d'abord interdire l'orpaillage...

On pourrait effectivement préconiser de remettre en question l'orpaillage, ou au moins d'adopter une politique plus sévère de gestion des activités minières. Cela passerait par un contrôle strict et fréquent des sites, et par la formation des orpailleurs, car des solutions techniques de récupération de mercure et de limitation des rejets existent. Mais en raison du caractère souvent clandestin de ces activités et de l'isolement des sites d'orpaillage, la tâche n'est pas simple. De plus, on manque encore de données in situ sur les impacts réels de l'orpaillage et de l'exploitation minière contrôlée. Des études débuteront en 2003 sur un site minier expérimental pour distinguer les apports anthropiques des apports naturels en mercure.

En termes de politique d'aménagement du territoire, les résultats concernant la richesse naturelle en mercure des sols de Guyane sont très importants. On l'a vu, ce métal ne porte pas à conséquence tant qu'il reste piégé. Aujourd'hui, les orpailleurs sont pratiquement les seuls à toucher à cet énorme stock. Mais, si à l'avenir on construisait des routes, de nouvelles mines, etc., on risquerait de connaître de gros problèmes. Une deuxième mise en garde découle des résultats obtenus sur le site de Petit-Saut : toute création ou extension de zones d'eaux anoxiques (style barrages, marécages ou zones inondables) favorisera le développement de bactéries sulfato-réductrices, et donc les conditions de production de méthylmercure. Or, une fois que cette forme de mercure est présente dans les systèmes aquatiques, il se révèle difficile de contrôler les processus de bioamplification qui conduisent à la contamination des populations.

EN DEUX MOTS Les chercheurs d'or quand ils ne prennent aucune précaution sont doublement responsables de la pollution au mercure en Guyane. Le métal présent dans les rivières et les poissons provient effectivement en partie du mercure qu'ils utilisent pour recueillir l'or et qu'ils rejettent dans l'environnement. Mais aussi de l'érosion des sols très anciens, naturellement riches en cet élément, qu'ils amplifient. Dans l'eau, le mercure se trouve à l'état de trace. Mais même à partir de ces quantités infimes, des bactéries peuvent le transformer en méthylmercure, la forme la plus toxique. C'est elle qui se concentre le long des chaînes alimentaires aquatiques et intoxique in fine les populations grandes consommatrices de poissons.

 

 

 

Laurent Charlet, Alain Boudou

[1] Programme « Exposition au mercure de la population amérindienne Wayana de Guyane » (1997-1998), à l'initiative de l'Institut de veille sanitaire, de l'Inserm et du Laboratoire d'écophysiologie et d'écotoxicologie des systèmes aquatiques de Bordeaux, rapport de synthèse IVS, Paris, 1999.

[2] S. Cordier et M. Garel, « Risques neurotoxiques chez l'enfant liés à l'exposition au méthylmercure en Guyane française », rapport IVS, Paris, 1999.

[3] N. Fréry et al., Environ. Health Persp., 109, 449, 2001.

[4] Programme « Mercure en Guyane », Programme environnement, vie et sociétés (PEVS/CNRS), rapports de synthèse 2001 et 2002.

[5] F.M.M. Morel et al., Ann. Rev. Ecol. Syst., 29, 543, 1998.

[6] D. Cossa et C. Gobeil, Can. J. Fish. Aquat. Sci., 57, 138, 2000.

[7] A. Boudou et F. Ribeyre, « Mercury in the food webs », in Mercury and its Effects on Environment and Biology, A. Sigel et H. Sigel (éd.), M. Dekker (New York), 1997, p. 289-319.

[8] L.D. Lacerda, Nature, 374, 20, 1995.

[9] C. Taubira-Delannon, « L'or en Guyane : éclats et artifices », Rapport au Premier ministre, 2001.

[10] M. Roulet et al., Water Air Soil Pollut., 112, 297, 1999.

[11] L. Charlet et al., Chem. Geol. 190 (124), 301, 2002.

[12] M. Roulet et R. Maury-Brachet, « Le mercure dans les organismes aquatiques amazoniens », in Le Mercure en Amazonie, coll. « Expertise collégiale », IRD Éditions, Paris, 2001.

[13] J.W.M. Rudd, Water Air Soil Pollut., 80, 697-713, 1995.

[14] J.R.D. Guimaraes et al., Sci. Total Environ., 261, 99-107, 2000.

[15] Y. Sciama, La Recherche, 339, 93, 2001.

[16] D. Amouroux et al., Environ. Sci. Technol., 33, 3044, 1999.

[17] C.Beucher et al. Sci. Tot. Environ., 290, 131, 2002

[18] M. A. Mélières et al., Sci. Tot. Environ., sous presse.

 

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9 mars 2009 1 09 /03 /mars /2009 14:08

L’orpaillage en Guyane

 

 

Didier MOULLET, Pascal SAFFACHE, Anne-Laure TRANSLER

Université des Antilles et de la Guyane, Campus de Schœlcher, Département de Géographie, BP 7207, 97275 Schœlcher Cedex, Martinique

 

 

Nous sommes bien loin du temps où certains explorateurs pensaient trouver une fabuleuse contrée où l’or abonderait. Bien que l’existence d’une telle manne providentielle ne fût jamais prouvée, le premier gisement aurifère sera découvert en Guyane française dès l’année 1855. L’extraction aurifère présente de nombreux avantages pour l’économie guyanaise (en excluant l’activité spatiale, le secteur aurifère est au premier rang à l’exportation) mais cette activité manifeste également un certain nombre de nuisance pour l’homme et son environnement. En effet, des expertises menées au début des années 2000 ont permis de mettre en évidence l’apport anthropique mercuriel dans les fleuves guyanais. Ainsi, l’activité d’orpaillage favorise indirectement la mobilisation du mercure naturellement présent dans les sols guyanais (cette part de mercure correspond au fond géochimique) par rapport aux dégradations de la zone exploitée (érosion, déforestation, lavage des sols, etc.) ; l’activité d’orpaillage remet également directement en circulation une certaine quantité de mercure par l’utilisation de ce métal pour amalgamer l’or. D’importantes dégradations sont ainsi exercées à l’abri des regards dans la forêt guyanaise ; ces atteintes environnementales et humaines sont nombreuses (contaminations mercurielles, érosions, rejets d’hydrocarbures, décharges sauvages, etc.) et leurs effets sur la santé des populations qui vivent à proximité ou à l’exutoire des cours d’eau contaminés ne sont pas négligeables.

Afin d’entrevoir plus efficacement les principaux facteurs de contamination mercurielle et les méthodes qui en permettraient la réduction dans les fleuves et le milieu marin, nous présenterons ainsi leurs origines et nous proposerons également quelques solutions.

 

I. L’orpaillage clandestin : une activité nuisible pour l’homme et l’environnement

L’or alimente de nombreux esprits en quête du fabuleux métal jaune qui nourrit tant de convoitise à travers les âges ; la Guyane ne sera pas épargnée par cet élan pour le moins onirique fondé bien souvent sur le mythe de l’« el dorado ».  Au milieu du XIXème siècle l’européen Félix COUY, alors commissaire du quartier de l’Approuague, sera le premier à exploiter un gisement aurifère en Guyane française ; ce premier gisement d’or secondaire aura été découvert par un brésilien du nom de « Paoline » en 1855.

Toutefois, l’épaisse forêt guyanaise ne permet pas vraiment le développement de technique d’extraction industrielle de l’or et c’est en grande partie pour cette raison que l’orpaillage s’imposera très rapidement ; néanmoins, bien que l’extraction d’or primaire présente quelques complexité, nous verrons par la suite de des entreprises internationale semblent bien vouloir relever ce défis au sein de ce département français. 

 

Bien que des actions soient menées à ce jour par les forces de gendarmeries en Guyane, notamment à travers des opérations  communément appelées « anaconda », force est de constater que l’orpaillage clandestin poursuit son intensification et cette activité pose un véritable problème aux pouvoirs publics. Cet océan de verdure qui se caractérise par la forêt guyanaise, est à la fois le terrain d’action des orpailleurs illégaux mais également un moyen de protection qui permet d’œuvrer en toute impunité à la recherche des précieuses paillettes aurifères. On associe à l’activité d’orpaillage un certain nombre de techniques qui présentent des effets néfastes pour le milieu naturel, mais aussi pour l’homme. Il y a d’abord le lavage des sols aurifères qui a pour objectif d’éroder ces sols afin d’en extraire et récupérer les microparticules d’or ; cette action érosive augmente la turbidité de l’eau dans les fleuves en déplaçant une grande quantité de sédiments terrigènes dans le milieu marin, favorisant ainsi la disparition de la faune et de la flore. De plus, les sols guyanais étant naturellement riches en mercure, l’emploi de ce procédé par l’orpailleur clandestin (dans le but d’extraire les paillettes d’or des boues aurifères) a pour effet de mobiliser la part mercurielle représentée par le fond géochimique et libère ce métal sous sa forme élémentaire. 

Cependant, les nuisances occasionnées par l’activité clandestine ne se bornent pas à des effets indirects puisqu’une part importante de mercure est directement transférée vers le milieu naturel durant la phase d’amalgamation de l’or ; l’orpailleur utilise habituellement le mercure pour amalgamer les paillettes d’or et cet apport mercuriel anthropique vient donc s’ajouter à celui qui est libéré par l’érosion des sols de Guyane. De plus, durant la destruction de l’amalgame, une part importante de mercure est dispersé dans le milieu naturel ou se volatilise ; ces retombées atmosphériques s’organisent généralement à proximité des campements illégaux. D’une certaine manière, les conditions de vie des travailleurs clandestins sont généralement précaires (manque d’hygiène, défaillance ou absence de soins en cas d’accidents, exposition aux métaux lourds, etc.) et les atteintes du milieu naturel sont nombreuses (érosion, déforestation, fuites d’hydrocarbures, décharges sauvages, dispersion du mercure pour l’amalgamation de l’or, etc.).

Si l’on admet que l’activité clandestine est un véritable fléau en Guyane, les alternatives proposées par le gouvernement sont rapidement dépassées par l’ampleur de ce phénomène ; la forêt guyanaise est de plus un territoire immense et aux frontières pour le moins perméables, ce qui rend la tâche encore plus complexe. Bien que les PME investissent dans de nombreux placers et les compagnies internationales s’intéressent ardemment aux gisements d’or primaire, l’activité illégale tend à se renforcer et prend une ampleur démesurée. L’orpaillage clandestin est bien souvent pointé du doigt en Guyane et est à l’origine d’une contamination mercurielle non négligeable ; de nombreuses études ont été réalisées sur l’impact et l’imprégnation mercurielle en Guyane et l’activité clandestine correspond à un des principaux facteurs mis en avant pour expliquer cette contamination. La part de mercure correspondant au fond géochimique est généralement mobilisée dans le milieu naturel lors du lavage des sols aurifères, la récupération des paillettes d’or se fait par amalgamation et une part de mercure élémentaire est directement rejetée dans le milieu naturel.

 

II. Les pollutions mercurielles en Guyane Française

 

II.1 Un métal présent dans les sols guyanais

Le mercure est naturellement stocké dans les sols de Guyane depuis des millions d’années ; des retombées atmosphériques chargées en mercure divalent sont à l’origine de la présence de ce métal (Charlet et al, 2002). L’origine naturelle du mercure est volcanique et cette source primaire est habituellement transportée par voie aérienne avant de retomber sur le sol avec les précipitations. Toutefois, l’origine naturelle du mercure en Guyane est tout autre et la source primaire provient de la roche mère sous forme de minéraux ;  (Roulet  et al, 2001). Certaines études réalisées dans l’expertise collégiale de l’IRD font état de cette particularité en mettant notamment en exergue les spécificités des sols de Guyane. Ainsi, le mercure est présent dans les minéraux de la roche mère ; habituellement, lorsque la roche mère est riche en éléments mercurielle, les sols sont souvent riches en mercure à l’instar des sites localisés dans la ceinture mercurifère . Néanmoins, la présence de mercure dans les sols de Guyane ne traduit pas une contamination mais une concentration mercurielle naturelle ; la contamination se matérialise lors de la mobilisation du mercure stocké dans le sol par l’action érosive des lance monitor des orpailleurs (érosion, déforestation, lavage des sols pour récupérer les paillets d’or, etc.). L’activité anthropique est donc à l’origine de cette contamination.

 

II .2 L’orpaillage : un mode d’extraction bien rudimentaire

Si les efforts réalisés par l’activité d’extraction aurifère légale en Guyane sont nombreux , on ne peut pas en dire autant concernant l’orpaillage clandestin qui est considéré comme l’une des principales sources de contamination mercurielle dans ce département français. La contamination mercurielle n’est pas l’unique nuisance occasionnée par ce mode d’extraction, mais bien l’ensemble de cette activité. Dans bien des cas, l’opérateur minier érode le sol et le lit des fleuves par lavage ou simplement en creusant le lit mineur à l’aide d’outils parfois semi-industriels (pelle mécanique, pompe à eau à haute pression « lance monitor », barge de dragage, etc.) ; le site est généralement profondément dénaturé par ces actions. L’action érosive de l’eau augmente la turbidité des fleuves et mobilise le mercure élémentaire présent naturellement dans les sols ferralitiques de Guyane (Charlet et al, 2002). De plus, la découverte d’un site conduit généralement l’orpailleur à dégager la végétation dans le but de mettre en place ces installations qui permettront la récupération des microparticules aurifères pigées dans la boue. Ce processus de récupération des paillettes d’or s’accompagne ainsi d’une importante dégradation de l’environnement et d’une contamination du milieu marin (déforestation du site, augmentation de la turbidité des fleuves, contamination mercurielle (vaporisation dans l’atmosphère lors de la destruction de l’amalgame et rejet direct durant le processus d’amalgamation ), etc.).

 

II.3 Contaminations et imprégnations mercurielles

L’activité d’orpaillage est un des principaux facteurs de contamination mercurielle en Guyane et les rejets, qu’ils soient directs ou non, se retrouvent au sein du réseau trophique ; une étude  menée par l’InVS et l’INSERM présente l’imprégnation mercurielle d’une population d’amérindien en Guyane française. Il en ressort des résultats pour le moins parlants avec une concentration en mercure supérieure à la valeur recommandée par l’organisation mondiale de la santé qui est de 10 µg/g dans les cheveux ; ces résultats concernent près de la moitié des individus qui ont été sélectionnés pour cette étude et la quantité de mercure présent dans les cheveux est en moyenne égale à 11,4 µg/g  (InVS, 1994). L’imprégnation mercurielle ainsi observée au sein de cette population est principalement liée à une contamination de la chaîne alimentaire ; la contamination par le mercure des poissons consommés par cette population est liée à l’activité d’orpaillage. Habituellement utilisé pour amalgamer les microparticules aurifères, le mercure en excès est éliminé par pressage et la récupération de l’or se fait en chauffant l’amalgame ainsi constitué ; durant cette opération, près de 70 % du mercure est perdu par volatilisation (Kom (J), 2001).

Le mercure utilisé par l’orpailleur est donc rejeté dans le milieu marin et associé au mercure élémentaire correspondant au fond géochimique ; ce processus de contamination est un des facteurs qui permet de comprendre comment le mercure se retrouve en forte concentration dans la chair des poissons piscivores en bout de chaîne alimentaire. De plus, certaines études permettent de mieux cerner le rôle d’installations dans le transfert mercuriel de sa forme élémentaire à sa forme organique ; le barrage hydroélectrique de Petit-Saut présente justement les caractéristiques suffisantes pour permettre le transfert du mercure de sa forme élémentaire à sa forme organique (méthylmercure), la plus toxique pour l’homme. Ce barrage fonctionne donc comme un bio-réacteur et la raréfaction de l’oxygène à moins de cinq mètres de profondeur rend la formation de méthylmercure possible. Il s’avère que les fleuves soumis aux pressions de l’orpaillage sont généralement de nature exoréique, on comprend bien la gravité de ce phénomène en Guyane si ce processus de méthylation s’opère au sein d’un milieu anoxique tel que les mangroves. Dès que la forme organique  est présente dans le milieu aquatique, sa bioamplification devient difficilement contrôlable et accentue de ce fait le risque pour les populations (Charlet et al., 2002). Les mangroves étant présentes sur la quasi totalité du littoral guyanais, le stockage du méthylmercure au sein des sédiments vaseux semble plausible.

 

III. La télédétection comme élément de réponse à l’orpaillage illégal ?

La photo aérienne et l’image satellite sont des outils qui permettent d’avoir un certain nombre d’informations permettant la localisation des sites d’orpaillage. Ces outils peuvent servir à localiser les sites d’orpaillages clandestins mais également les sites légaux qui dépassent le périmètre établit dans le permis d’exploitation.

L’activité d’orpaillage entraîne la mobilisation d’une certaine quantité de matière terrigène dans les canaux drainant naturels ; cette activité conduit ainsi à une augmentation de la turbidité de l’eau qui liée à l’érosion des sols pour en extraire les paillettes aurifères. Ce procédé permet de détecter - par le biais de l’image satellite - les zones où la turbidité de l’eau est supérieure à la normale. La réflectance  de l’eau permet dans déterminer la profondeur mai également la turbidité. Par la suite, dès que l’image satellite permet de localiser les sites qui sont orpaillés et l’emploi de la photo aérienne favorise une meilleure localisation du site d’extraction aurifère ; les barranques et les zones de déforestations apparaissent ainsi avec une meilleure définition (Polidori et al, 2001). La télédétection permet à la fois de surveiller le développement l’activité aurifère ainsi que ses effets sur le milieu naturel.

Quelques méthodes qui sont mises en avant par la DRIRE , elles sont axées en partie sur l’éducation de l’orpailleur en essayant de lui faire prendre conscience des dangers qu’il encours en manipulant du mercure sous sa forme élémentaire et les effets du mercure sur l’environnement.

 

L’imagerie satellitaire et la photographie aérienne sont des outils qui permettent de surveiller l’activité aurifère et ses effets sur l’environnement. Toutefois, l’activité illégale continue à se développer en Guyane française et la mobilité de certains orpailleurs oblige une surveillance de courte périodicité ; de plus, l’analyse sur le terrain est d’une grande importance afin de valider les données recueillies par le biais de la télédétection.

Toutefois, l’accent doit être mis sur des méthodes qui visent essentiellement à diminuer l’érosion des sols ainsi que l’apport en mercure élémentaire dans le milieu naturel ; l’érosion de sols par l’activité d’orpaillage a pour effet de libérer le mercure du fond géochimique. Des actions sont donc à mener directement sur le terrain afin de diminuer les risques de contamination mercurielle ainsi que l’enrichissement des zones anoxiques en mercure élémentaire ; ces zones anoxiques sont de véritable bioréacteur qui transfert la forme élémentaire du mercure à sa forme la plus toxique pour l’homme, la forme méthylé. Sans être pour autant alarmiste, il est important de mettre en pratique certains de ces axes quand on sait qu’une grande partie du littoral guyanais est occupée par une vaste zone anoxique, la mangrove. 

 

Bibliographie

- CARMOUZE (J-P) et al, Le mercure en Amazonie : rôle de l’homme et de l’environnement, IRD éditions, Expertise collégiale, (Roulet (M) p 81-120 ; (Roulet (M) et al) p 121-166 ; (Kom (J) p 299-320 ; (Orru (J-F)) p 409-446 ; (Polidori (L) et al) p 473-493, 2001

- CHARLET (L) ; BOUDOU (A), Cet or qui file un mauvais mercure, La recherche n°359, décembre 2002, p 52-59

- InVS ; INSERM, Exposition au mercure de la population amérindienne Wayana de Guyane, Enquête alimentaire, 1994, mis à jour en septembre 1997

- POLIDORI (L), Introduction à la télédétection spatiale, École supérieure des géomètres et topographes, p 16-17, n.d

- STROBEL (M-B), Les gens de l’or, IBIS Rouge, 1998, p 71-114

- TRANSLER-UNFER, AL. (2004). Impact des activités anthropiques sur les écosystèmes littoraux : le cas de la Guyane. Université des Antilles et de la Guyane (UAG), Maîtrise de Géographie, SD : P. JOSEPH, 152 p.

- Institut de veille sanitaire : http://www.invs.sante.fr/publications/mercure/rapport1.html ; http://www.invs.sante.fr/publications/mercure_guyane/index.html

- Programme mercure en Guyane : http://www-lgit.obs.ujf-grenoble.fr/users/charlet/Mercure/ ii.htm

- IRD, laboratoire régional de la télédétection (Polidori (L)) : http://www.cayenne.ird.fr/laboratoires/teledetection/pres-LRT.htm

- Cet or qui file un mauvais mercure : http://www-lgit.obs.ujf-grenoble.fr/users/charlet/Mercure/OretMercure.pdf

 

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8 mars 2009 7 08 /03 /mars /2009 15:45

Martinique et Guadeloupe :

des écosystèmes côtiers en sursis

 

Pascal SAFFACHE, Didier MOULLET

Université des Antilles et de la Guyane, Faculté campus de Schœlcher, département de géographie-aménagement, BP 7207, 97275 Schœlcher Cedex, Martinique (FWI)

 

 

Résumé

Les écosystèmes côtiers des Antilles françaises sont particulièrement fragiles, en raison de contraintes naturelles et anthropiques. Les contraintes anthropiques résultent essentiellement des carences des politiques de planification urbaine et d’aménagement et de la non prise en compte par les populations des impacts qu’elles peuvent infliger au milieu.

A l’avenir, une bonne gestion de ces espaces impliquera une redéfinition de ces politiques,  une gestion globale et raisonnée de ces espaces et une éducation populaire réaffirmée.

 

Mots clés : Antilles françaises, littoral, écosystèmes côtiers, dégradations.

 

 

Introduction

De forme arquée, l’archipel des Petites Antilles se compose deux Départements français d’Outre Mer (DOM) : l’archipel guadeloupéen et l’île de la Martinique. La Martinique se localise à 14,4° N et 61° W, tandis que la Guadeloupe, plus au nord, se situe à 16,3° N et 61,3° W.

L’archipel guadeloupéen se compose de deux îles principales (la Grande-terre et la Basse-Terre), d’origine volcanique, entourée par cinq dépendances : Marie Galante (158 km2), la Désirade (20 km2), les Saintes (13 km2) et deux autres îles situées à 250 km plus au nord : Saint-Barthélemy (21 km2) et la partie nord de l’île de Saint-Martin (50 km2). La Guadeloupe est donc un espace archipélagique d’une superficie de 1900 km2 environ, alors que la Martinique représente une entité volcanique homogène de 1100 km².

Les Antilles françaises sont des espaces originaux marqués par une hypertrophie de leur secteur tertiaire, une urbanisation et une démographie galopantes, le tout étant associé à des nuisances liées à l’inefficience des politiques de planification et plus généralement d’aménagement. Sur le plan économique, les cultures d’exportation (canne à sucre et bananes) sont avec le tourisme les principales richesses économiques de ces deux îles. Ce contexte économique peu reluisant sert néanmoins de cadre à de nombreuses atteintes environnementales, dont les incidences sur les écosystèmes sont de plus en plus durables.

Pour prendre la mesure de ces atteintes, les écosystèmes littoraux et marins des Antilles françaises seront présentés de façon synoptique, l’ensemble des facteurs naturels et anthropiques qui affectent ces milieux le seront eux aussi et des propositions concrètes de sauvegarde seront proposées.

 

 

I. Les écosystèmes côtiers des Antilles françaises : des milieux variés mais fragiles

Aux Antilles françaises, trois écosystèmes côtiers peuvent être distingués : les mangroves, les herbiers de phanérogames et les récifs coralliens.

Les mangroves se développent essentiellement aux embouchures des rivières et plus généralement dans les fonds des baies. En Guadeloupe, par exemple, elles occupent une superficie moyenne de 3000 ha (Chauvaud, 1997), alors qu’en Martinique elles ne couvrent plus que 1278 ha en raison des nombreuses pressions subies. A titre d’information, la mangrove martiniquaise a vu sa superficie régresser de près de 30 % en 20 ans (SIEE, 1998) ; c’est ce qui explique que la mangrove de la baie de Fort-de-France ne couvre plus que 680 ha contre plus de 2300 ha dans le Grand-Cul-de-Sac Marin en Guadeloupe (Chauvaud, 1997) .

Cet écosystème se compose principalement d’un front pionnier de Rhizophora mangle (palétuviers rouges), ceinturés par des Avicennia germinans et des Avicennia schaueriana (palétuviers blancs et noirs), bordés eux mêmes par une association de mangles blancs et gris (Laguncularia racemosa et Conocarpus erectus).

Les mangroves étant des espaces répulsifs, durant de nombreuses années elles ne furent exploitées  que par des populations marginales qui n’en extrayaient que leur minimum vital. Quand la pression démographique s’est accrue, mais surtout quand ces populations prirent conscience des profits qu’elles pourraient tirer de la vente des produits de la mangrove (charbon de bois, crustacés, miel, etc.), des prélèvements importants furent réalisés et les racines des palétuviers qui formaient jadis un véritable labyrinthe furent coupées pour y récolter les huîtres qui y étaient fixées. Les racines ne jouant plus leur rôle protecteur, le pourcentage d’alvins et de petits crustacés diminua ; parallèlement, la capacité naturelle de régénération de ces milieux fut dépassée et un déséquilibre durable s’installa.

Ce déséquilibre s’est encore accentué, lors de la mise en valeur des zones côtières : extension des zones urbaines, des stations balnéaires, des marinas, etc. La capacité naturelle d’épuration des mangroves étant largement dépassée, pour la plupart elles sont maintenant en phase de régression, d’où leur aspect relictuel aux Saintes, à la Désirade, dans le cul-de-sac du Marin, et dans les baies de Fort-de-France et de Tartane.

 

Côté mer, à proximité des mangroves, se développent généralement des herbiers de phanérogames marines, synonymes d’une bonne qualité sanitaire du milieu. Ils se concentrent principalement dans le Grand Cul-de-Sac Marin (Guadeloupe), où ils occupent plus de 8 000 hectares, et s’étendent aussi sur la côte orientale de la Basse-Terre où ils couvrent plus de 1300 hectares (Chauvaud, 1997). En Martinique, cet écosystème occupe une place importante (3000 ha environ), puisqu’on le retrouve dans la plupart dans les baie en couverture homogène ou discontinue ; cependant, en raison des nombreux défrichements réalisés sur les bassins-versants sommitaux (mitage des espaces naturels) et suite à l’augmentation de la pollution urbaine (absence de tout à l’égout, de stations d’épuration ou de fosses septiques), cet écosystème est aujourd’hui fossilisé ou nécrosé (Chauvaud, 1997). Les deux principales espèces encore présentes sont les Thalassia testudinum (entre 0 et - 10 m) et les Syringodium filiforme (de - 10 à - 30 m) en concurrence de plus en plus importante avec les algues de type Sargassum et Turbinaria, synonymes de forte eutrophisation du milieu.

 

Plus au large, apparaissent des récifs coralliens qu’il est possible de scinder en deux catégories : les récifs frangeants et barrières. Quelles que soient leurs caractéristiques, une faune nombreuse et variée leur est inféodée : 570 espèces de mollusques (Pointier et al., 1990), une soixantaine d’espèces de crustacés (Bourgeois-Lebel, 1982) 200 espèces de poissons (Bouchon-Navarro et al., 1997) et cinq espèces de tortues (Fretey, 1990) dont deux sont fréquemment observées dans les lagons guadeloupéens. Cette distribution est moindre au niveau des formations récifales martiniquaises où ont été recensées près de 370 espèces de mollusques (Lamy et al., 1984), 143 espèces de poissons (Bouchon-Navarro et al., 1997) et trois espèces de tortues de plus en plus menacées (Fretey, 1990).

Ces caractéristiques faunistiques évoluent toutefois rapidement, car en raison des pollutions urbaines (pour ne prendre que deux exemples, en 1991, sur une vingtaine de stations d’épuration moins d’une dizaine traitaient convenablement les effluents guadeloupéens ; à la même période, les communes localisées autour de la baie de Fort-de-France disposaient uniquement de 9 stations d’épuration), des rejets des distilleries et des sucreries (DRIRE, 1994), ainsi qu’en raison de l’importance des pollutions liées aux hydrocarbures et aux métaux lourds (DRIRE, 1994), les récifs frangeants sont de plus en plus nécrosés et la faune qui leur est associée dépérit ou migre vers des secteurs moins pollués.

Parallèlement, de par leur rareté ou en raison de la qualité de leur chair, certains mollusques (Stombus Giga), crustacés (Panulirus argus) ou même certains échinodermes (Tripneustes esculentus), voient leur population régresser en raison des pressions exercées par les pêcheurs et les plongeurs occasionnels. Les activités touristiques sont également néfastes pour ces écosystèmes, notamment la plaisance qui exerce de nombreuses pressions sur les coraux et les herbiers.

 

En définitive, bien que les conditions du milieu soient favorables à la biodiversité et bien que les biotopes soient diversifiés, il appert que ce sont les facteurs naturels et anthropiques qui perturbent et dégradent durablement le fonctionnement naturel des écosystèmes.

 

 

II. Influences des facteurs naturels et anthropiques

II.1 Les pressions naturelles

Les Antilles françaises sont régulièrement concernées par des phénomènes météorologiques paroxysmiques, puisqu’un météore les affecte en moyenne une fois par décennie. L’ouragan Hugo, par exemple, traversa la Guadeloupe en 1989, alors que la Martinique fut directement concernée en 1979 et 1981 par les cyclones David et Allen et en 1993 par la tempête tropicale Cindy. Ces manifestations paroxysmiques se caractérisent par une forte dégradation des écosystèmes côtiers, dont les facteurs constituants sont arrachés et arasés. Les fortes précipitations qui accompagnent le passage des ouragans se traduisent aussi par une chute de la salinité de l’eau de mer (phénomène de dessalure), relayée par une arrivée massive d’eau douce riches en sédiments terrigènes à l’origine de l’asphyxie des platures coralliennes.

Les herbiers de phanérogames qui ne disposent pas d’un développement racinaire important (Syringodium filiforme) sont extrêmement vulnérables, car mobilisables par les houles cycloniques.

Ces phénomènes paroxysmiques ont aussi des effets néfastes sur les mangroves, en raison de l’élévation du niveau de la mer (surcote marine) et de la force dévastatrice des houles. Les surcotes entraînent une disparition des substrats vaseux par ennoiement, la mort programmée des espaces végétales par sursalure et l’arrachage des populations les plus fragiles. Lors du passage de l’ouragan Hugo (Guadeloupe), les houles mirent en suspension des quantités si importantes de vase, qu’elles entraînèrent une chute du taux d’oxygène de l’eau de mer et une augmentation de la mortalité des principales espèces halieutiques.   

 

D’autres facteurs moins violents ont pour effet de fragiliser durablement les récifs coralliens. A titre d’exemple, une mortalité importante des oursins diadèmes (Diadema antillarum) au début des années 1980 entraîna une prolifération d’algues qui recouvrirent puis étouffèrent les platures coralliennes. Ces phénomènes naturels perturbent durablement la croissance et l’équilibre des coraux.

Ces phénomènes contribuent fortement à la dégradation des écosystèmes côtiers antillais et sont relayés par des facteurs anthropiques bien plus nombreux. 

 

II.2 Les pressions anthropiques

II.2.1 La pollution agricole

La pollution agricole résulte prioritairement d’une utilisation excessive de produits phytosanitaires. En Martinique, par exemple, ce sont chaque année près de 2000 tonnes d’insecticides, de pesticides et de fongicides (Direction de l’Agriculture et de la Forêt, 1994) et plusieurs milliers de tonnes d’engrais qui sont utilisées. Bien qu’aucune étude n’ait quantifié l’impact de ces produits sur l’environnement sous-marin et particulièrement sur les platures coralliennes, tout porte à croire que les pluies tropicales qui lessivent les sols agricoles, transportent des particules toxiques (en direction des baies) qui se déposent dans les sédiments marins et se fixent dans les tissus de la faune sous-marine. Des mesures effectuées dans la baie de Fort-De-France (Pellerin-Massicotte, 1991) soulignent les fortes teneurs en pesticides retrouvées dans les huîtres, par exemple. Les produits incriminés sont le DDT et le PCB dont les doses mesurées dépassent largement les seuils de toxicité couramment admis.

En Guadeloupe, bien qu’on utilise moins de produits phytosanitaires qu’en Martinique [environ 900 tonnes par an (DAF, 1991)], les sels minéraux libérés par ces produits s’accumulent dans les baies et favorisent la prolifération d’algues filamenteuses qui recouvrent les platures coralliennes et les étouffent progressivement : l’eutrophisation du milieu est en cours ; les coraux disparaissent alors graduellement. A cette pollution chimique, particulièrement nocive et sournoise, s’en ajoute une autre tout aussi destructrice : l’hyper sédimentation.

 

II.2.2 L’hyper sédimentation des baies

La baie de Fort-De-France (la plus grande baie de la Martinique) sert d’exutoire aux rivières qui drainent le centre de l’île. Après avoir traversé les domaines agricoles (bananeraies, champs de cannes à sucre, etc.) des communes de Saint-Joseph, de Ducos, du Lamentin ou encore de Rivière Salée, ces rivières, gorgées de sédiments terrigènes, se jettent dans la baie où elles déposent leur impressionnante charge sédimentaire. D’après des mesures effectuées par la Direction Départementale de l’Equipement (1984), la rivière Lézarde déposerait, en moyenne, chaque année 100000 m3 de sédiments dans la baie de Fort-De-France, alors que les rivières Monsieur et Salée en déposeraient respectivement 45000 m3 et 90000 m3. L’ensemble des rivières qui alimentent la baie de Fort-De-France fourniraient ainsi, chaque année, 550000 m3 de sédiments. Au rythme actuel de l’envasement, les fonds marins se dépeuplent et les rares platures coralliennes encore présentes sont progressivement recouvertes par une véritable chape sédimentaire. Cette situation est d’autant plus alarmante que la baie de Fort-De-France était considérée comme l’un des plus beaux sanctuaires coralliens.

En Guadeloupe aussi, l’hyper sédimentation des baies et des culs-de-sac est à l’origine de dégradations irréversibles. La déforestation massive des versants, organisée dès le milieu du XVIIe siècle à des fins agricoles, et la destruction progressive des mangroves littorales qui filtraient et retenaient les sédiments terrigènes, ont entraîné l’arrivée massive de sédiments qui en réduisant le niveau d’éclairement sous-marin et en colmatant les platures coralliennes ont favorisé leur disparition.

Si l’agriculture moderne est en partie responsable de la disparition des colonies coralliennes, les nombreux travaux côtiers réalisés ces dernières années en Martinique (extensions du port de Fort-De-France et de l’aéroport, constructions de routes littorales, etc.) et en Guadeloupe (port de Saint-François, marina de Pointe-à-Pitre, zone industrielle de Jarry, etc.) ont favorisé une augmentation de la turbidité des eaux côtières et par conséquent ont accru l’hyper sédimentation.

 

II.2.3 La pollution industrielle

Dès la fin du XVIIe siècle, la Martinique et de la Guadeloupe se sont spécialisées dans la production de sucre et de rhum. Si ces activités ont joué un rôle historique et social incontestable, force est de constater qu’elles ont eu et ont encore des incidences nocives sur l’environnement. A titre d’exemple, les vinasses (résidus liquides de distillation du rhum, très acides et riches en matières organiques) sont rejetées dans les rivières et dans les baies sans traitement préalable, ce qui entraîne une chute de la teneur en oxygène de ces milieux et par extension une asphyxie de la faune et de la flore. En Martinique, si aucune étude n’a été diligentée pour apprécier le phénomène, en Guadeloupe, la distillerie de « Bonne Mère », par exemple, rejetterait en moyenne, chaque année, 3000 tonnes de vinasses. D’après la Direction Régionale de l’Industrie et de la Recherche (DRIRE-Guadeloupe), les rejets annuels de vinasses des distilleries guadeloupéennes, équivaudraient (en pollution organique) aux rejets d’eaux usées domestiques non traitées de 180000 habitants. On comprend dès lors, la forte mortalité des coraux, l’aspect particulièrement nécrosé de ceux qui survivent et les dangers que cette pollution représente pour les mangroves ou encore les herbiers de phanérogames.

 

Les hydrocarbures participent aussi à l’appauvrissement des fonds marins et des écosystèmes littoraux. La Martinique possède une raffinerie dont la capacité de traitement annuel est de 800000 tonnes de pétrole brut. En dépit des mesures drastiques imposées pour lutter contre la pollution, des carottages effectués dans la baie de Fort-de-France ont révélé de fortes teneurs en hydrocarbures d’origine pétrolière (Mille et al., 1991).

En Guadeloupe, dans le Petit Cul-de-Sac Marin, la centrale thermique EDF de Jarry Sud était à l’origine d’une telle pollution en hydrocarbures, qu’elle a du être fermée à la fin de l’année 1999. D’après la DRIRE-Guadeloupe, la production annuelle de déchets industriels avoisinerait 5000 tonnes par an et serait constituée à près de 90 % de déchets d’hydrocarbures. Quand on sait qu’il n’existe actuellement aucune usine permettant de traiter ou de recycler ce type de déchets, les pollutions semblent inévitables.

Des mesures réalisées dans la baie de Fort-De-France (Martinique) et dans le Grand Cul-de-Sac Marin (Guadeloupe) ont révélé des teneurs en zinc, cuivre, plomb, cadnium, vanadium, nickel, cobalt à des taux supérieurs aux seuils de toxicité généralement admis pour la faune et la flore sous-marines. Si les peintures antifouling utilisées pour protéger les coques des navires pourraient expliquer les fortes teneurs en zinc et en cuivre, tout porte à croire que les autres métaux lourds pourraient provenir des huiles de vidanges, des effluents urbains ou du nettoyage du matériel industriel utilisé à proximité des baies et des culs-de sac.

 

En réalité, quelle que soit l’origine de la pollution industrielle, les conséquences sont les mêmes : diminution de la ressource halieutique, augmentation du taux de mortalité des coraux et désertification progressive des fonds marins.

 

II.2.4 La pollution urbaine

Bien que moins médiatique, la pollution urbaine est tout aussi nocive. En Martinique, cette pollution résulte d’un réseau de collecte des eaux usées insuffisant. A titre d’exemple, les cinq communes qui enserrent la baie de Fort-de-France totalisent plus de 170000 habitants, alors que les dix stations d’épuration actuellement en service sont prévues pour un peu plus de 130000 habitants. Certains quartiers ne sont donc pas raccordés au réseau de collecte des eaux usées et de nombreuses maisons individuelles ne disposent pas de fosses septiques ; des effluents usagés sont donc déversés dans les rivières via la baie de Fort-de-France. Ces eaux polluées favorisent la prolifération d’algues filamenteuses qui étouffent progressivement les coraux. A cela s’ajoute l’influence de la décharge communale de la Trompeuse (Fort-de-France), située en bordure littorale, dont les lixiviats alimentent régulièrement la baie en produits toxiques (métaux lourds, etc.) ; c’est également le cas pour la décharge de Céron (Sainte-Luce) où les eaux de lixiviation se déversent directement dans la mangrove (planche I et II).

En Guadeloupe, la situation est tout aussi alarmante puisque la décharge de la Gabarre, la plus grande de l’île, évacue quotidiennement ses lixiviats dans la rivière Salée via le Grand Cul-de-Sac Marin. Si ce phénomène est connu, notons que de nombreuses décharges sauvages situées en bordure côtière ou le long de ravines alimentent quotidiennement les baies en métaux lourds, en matières organiques et en divers autres polluants.

La pollution urbaine résulte aussi du faible nombre de stations d’épuration efficientes. Au début des années 1990, sur 20 stations d’épuration en service en Guadeloupe, seule une dizaine traitait convenablement les eaux usées.

La dispersion de l’habitat est aussi une cause majeure de pollution, puisque de nombreux  riverains ne s’équipent pas de fosses septiques ou disposent de fosses inadaptées donc inefficaces.

 

Face à ce constat, des solutions durables devraient être proposées.

 

 

III. Vers la mise en place de propositions concrètes

S’il est vrai que la dégradation des écosystèmes côtiers est importante aux Antilles françaises, cela résulte de politiques de planification urbaine et d’une gestion environnementale inadaptées. Pour réduire l’hyper-sédimentation et la pollution, il ne faut plus se contenter de n’intervenir qu’en aval, comme cela a été pratiqué durant de nombreuses années. En réalité, s’il y a envasement en aval, c’est qu’il y a érosion en amont ; il faut donc tout mettre en œuvre pour limiter l’érosion des versants, ce qui induira, à terme, une réduction des transports sédimentaires et parallèlement une diminution du ruissellement des eaux pluviales chargées en engrais, en pesticides, etc. L’une des actions prioritaires pourrait être de reboiser les surfaces dénudées, de façon à les stabiliser ; une meilleure surveillance des défrichements et des industries installées en bordure côtière semble aussi s’imposer. Les contrevenants pourraient alors faire l’objet d’amendes suffisamment élevées pour être dissuasives.

De plus, les industriels devraient se conformer rapidement à la législation sur l’eau (loi n° 92-3 du 3 janvier 1992) qui leur impose de récupérer et de traiter les effluents qu’ils produisent. Les industries cannières pourraient, par exemple, fournir des efforts dans le but de valoriser les vinasses et plus généralement tous les effluents liquides et les gaz ; des installations de traitement existent, mais demeurent très coûteuses, aussi des partenariats devraient être trouvés de façon à faciliter la mise en place de ces unités de traitement et de valorisation. Il ne faut pas perdre de vue que l’industrie cannière à des incidences nocives et durables sur les écosystèmes côtiers comme en témoigne la pollution de la Grande Rivière à Goyaves (Guadeloupe). 

Les industries sucrières ont l’avantage de pouvoir recycler certains de leurs rejets comme la bagasse, par exemple. L’usine de bagasse-charbon du Moule (Guadeloupe), s’est orientée  dans cette direction en valorisant sa bagasse qui lui sert de vraie source d’énergie renouvelable. Cette production d’énergie à partir de la biomasse pourrait également être réintégrée sous forme de combustible dans le cycle de production cannière.  Il en est de même des vinasses qui, après traitement, permettent d’obtenir des engrais de bonne qualité. Ces actions en faveur de l’environnement permettraient de rentrer de plein pied dans une démarche de  développement durable.

 

La gestion des pollutions urbaines devrait aussi s’inscrire dans le cadre d’une politique de planification plus efficace. A titre d’exemple, l’assainissement des eaux usées et des eaux pluviales présente de nombreuses lacunes qu’il serait souhaitable de résoudre rapidement. Les administrés des communes des Antilles françaises sont rarement raccordés au tout à l’égout se qui les conduit à mettre en place des systèmes de traitement individuel (fosse septique) peu efficients. Les administrés qui ne disposent d’aucun système de traitement sont nombreux et se voient dans l’obligation de rejeter leurs effluents directement dans le milieu naturel, via les cours d’eau. La mise en place de mini station d’épuration pourrait permettre de répondre à ce problème, notamment en zone rurale où l’absence de système épuratoire est fréquent du fait de l’éloignement de l’habitat. Il convient donc d’optimiser les rendements de ce système épuratoire afin de ne pas se retrouver dans une situation similaire à celle de l’île de Marie-Galante (dépendance de la Guadeloupe) où ces rendements étaient particulièrement médiocres.

Des solutions doivent également être trouvées pour la mise en conformité des décharges à ciel ouvert comme celle du Céron et de la Trompeuse en Martinique ou encore celles de Grand Camp de Goyave en Guadeloupe. La loi européenne du 12 juillet 1992, interdit la mise en décharge des déchets bruts au-delà du 1er juillet 2002, et la nouvelle politique d’aménagement de ces îles doit permettre de s’aligner sur cette voie. Il n’y a pas de solutions miracles à ce jour et il convient de traiter ces déchets à la source en intégrant les administrés à cette démarche ; cela semble simple à dire, mais il s’agit d’une nécessité.

Une gestion domestique pourrait aussi s’avérer efficace avec le développement du compost individuel pour les déchets organiques et les déchets verts ; un centre de compostage pourrait venir s’ajouter à ce mode de gestion afin de compléter le cycle. Pour ce qui est des matières recyclables (verre, plastique, carton, etc.) la sélection doit se fait à la source afin d’être acheminée vers un centre de récupération ; le développement de centre de tri pourrait aussi être une démarche intéressante dans le cas ou l’administré n’aurait pas la possibilité de réaliser cette sélection à son niveau.

Sans l’adhésion parfaite des administrés, cette solution n’aurait qu’un effet superficiel et la gestion des déchets ne serait qu’inefficace. Des déchets tels que les encombrants doivent également faire l’objet d’un tri ; à défaut de pouvoir recycler ces déchets sur place, un compactage s’avérera nécessaire.

L’objectif de cette politique d’aménagement est bien d’éradiquer les décharges à ciel ouvert, de s’aligner sur les directives européennes et en définitive de diminuer les eaux de lixiviation particulièrement néfastes pour l’environnement.

 

Toutes ces solutions devraient être appliquées rapidement, car l’augmentation de la teneur en gaz carbonique dans l’atmosphère, entraînera une diminution de la teneur en aragonite dans l’eau de mer, ce qui réduira le taux de calcification des coraux et fragilisera durablement leur structure. A terme, les coraux devraient être moins résistants et par conséquent beaucoup plus vulnérables face aux assauts des houles cycloniques et aux maladies d’origine bactérienne. La protection des mangroves est également une nécessitée et cela pourrait se faire par la définition d’aires protégées dans un but de conservation. 

 

 

Conclusion

Face à l’ampleur des dégradations, il importe d’agir rapidement en trouvant une adéquation entre les politiques de développement et la protection des écosystèmes  littoraux et marins. Les dégradations observées résultant de processus globaux, seule une démarche consensuelle pourrait permettre à terme de protéger le milieu. La coopération intercommunale pourrait être le fer de lance de cette démarche, car elle permettrait de définir une politique d’aménagement solidaire entre les communes.

L’élaboration de nouveaux outils d’aménagement devrait également passer par une meilleure connaissance des ensembles écosystémiques ; c’est d’ailleurs dans cette optique que les politiques doivent obligatoirement faire appel à des chercheurs confirmés, dans le but de contribuer à une meilleure connaissance des biotopes littoraux et marins.

 

 

Bibliographie

- Affaires Maritimes (AFMAR), 1997. Situation de la pêche en Guadeloupe. Synthèse des travaux des commissions des Affaires Maritimes (AFMAR), 22 p.

- DRIRE, 1994. Impacts de l’industrie sur l’environnement, SL : éditions DRIRE, 40 p.

- Phalente G. 1980. La pêche en Guadeloupe, CDDP, 60 p.

- Saffache P., Desse M. 1999. L’évolution contrastée du littoral de l’île de la Martinique, Mappemonde, 55, p. 24-27.

- Saffache P. 2000. Vers une disparition des attributs touristiques des Départements et Territoires d’Outre-Mer, Mer et Littoral, 43, p. 60-63.

- Saffache P. 2001. Caractéristiques physiques, fonctionnements dynamiques et modalités de protection du littoral martiniquais, Terres d’Amérique, 3, p. 293-312.

- Saffache P. 2002 (a). Les mangroves caribéennes : des milieux fragiles nécessitant une politique de gestion et de protection adaptée, La Revue Forestière Française, 4, p. 329-336.

- Saffache P. 2002 (b). Martinique et Guadeloupe : sanctuaires coralliens ou cimetières sous-marins ? Aménagement et Nature, 143-144, p. 77-82.

- Saffache P. 2002 ©. Aménager autrement le littoral martiniquais, Mer et Littoral, 53,  p. 60-62.

- Saffache P., Ramdine G. 2002 (d). Pêche et écosystèmes marins guadeloupéens, Aménagement et Nature, 143-144, p. 101-109.

- Saffache P., Marc J.V., Cospar O. 2002 (e). Les cyclones en Martinique : quatre siècles cataclysmiques (éléments pour une prise de conscience de la vulnérabilité de l’île de la Martinique). Paris : Ibis Rouge Éditions - Presses Universitaires Créoles, Collection Géographie & Aménagement des Espaces Insulaires, 197 p.

- Saffache P. 2003 (a). Saint-Martin et Saint-Barthélemy : état des milieux littoraux et recommandations pour une gestion durable, Ecologie et Progrès, 3, p. 50-63.

- Saffache P. 2003 (b). Les ports de plaisance et leurs impacts : petit guide méthodologique à l’attention des décideurs, Combat Nature, 140, p. 10-13.

- Desse M., Saffache P. 2003 (c). Les coraux dans la Caraïbe : dégradations et gestions différenciées, Ecologie et Progrès, 3, p. 89-105.

- Saffache P. 2003 (d). La préservation de la qualité sanitaire du milieu littoral : petit guide méthodologique à l’attention des décideurs, Ecologie et Progrès, 3, p. 106-117.

- Saffache P. 2003 (e). Dictionnaire de géographie de la mer et des littoraux. Paris : Ibis Rouge Éditions - Presses Universitaires Créoles, Collection Documents Pédagogiques – Géographie, 101 p.

- Saffache P., Marc J.V., Huyghues-Belrose V. 2003 (f). Les cyclones en Guadeloupe : quatre siècles cataclysmiques (éléments pour une prise de conscience de la vulnérabilité de l’archipel guadeloupéen). Paris : Ibis Rouge Éditions - Presses Universitaires Créoles, Collection Géographie & Aménagement des Espaces Insulaires, 276 p.

- Saffache P. 2004 (a). Plaidoyer pour la création d’aires marines protégées en Martinique, Études Caribéennes, 1, p. 47-54.

- Saffache P., Jandia J., Marc J-V. 2004 (b). Pour une gestion raisonnée du littoral martiniquais, La Géographie (Acta Geographica), n° 1513 (2004/II), p. 64-70.

- Saffache P., Marc J.-V. 2004 (c). Vers une tertiarisation des espaces maritimes : le cas des îlets Chancel et de Sainte-Marie (Martinique), Combat Nature, 146, p. 22-23.

- Saffache P. 2004 (d). L’ouragan Lenny : symptôme de la vulnérabilité du littoral martiniquais, Mer et Littoral, 61, p. 42-44.

- Saffache P., Marc J.V. 2004 (e). Le littoral martiniquais dans la littérature scientifique, éléments pour une connaissance approfondie du milieu. Paris : Ibis Rouge Éditions - Presses Universitaires Créoles, Collection Géographie & Aménagement des Espaces Insulaires, 170 p.

- Saffache P. 2004 (f). Dictionnaire de géographie de l’environnement. Fort-de-France : Éditions SCÉREN - Centre Régional de Documentation Pédagogique, Conseil Régional de la Martinique, 203 p.

- SIEE, 1998. Synthèse de la qualité des eaux et des milieux aquatiques de la Martinique. S.L. : S.N., rapport DIREN, 118 p.

Cela résulte des fortes précipitations cycloniques.

Fines particules de terre.

Dichloro-diphényl-trichlorétane : insecticide très toxique dont l’usage est prohibé en France et en Europe depuis plusieurs années.

Polychlorobiphényle : composé chimique dont la décomposition produit des furannes et des dioxines.

C’est la plus longue rivière de l’île de la Martinique (33, 4 km).

Une quinzaine environ.

Variété de carbonate de calcium participant à l’élaboration des squelettes coralliens.

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8 mars 2009 7 08 /03 /mars /2009 15:42

La Communauté d’Agglomération

du Centre de la Martinique (CACEM) :

plaidoyer pour une cohérence retrouvée

 

 

Pascal SAFFACHE, Didier MOULLET

Université des Antilles et de la Guyane, département de géographie-aménagement, BP 7207,

97275 Schœlcher Cedex, Martinique (FWI)

 

 

Introduction

En France, depuis la loi du 22 mars 1890 (date de création des premiers syndicats intercommunaux), le nombre d'EPCI n'a cessé de croître : on en compte aujourd’hui 2461. Cette volonté d’organisation et de rationalisation de l’espace est de plus en plus forte dans les Départements d’Outre-Mer, où les déséquilibres spatiaux sont nombreux et exacerbés par l’insularité ; l'intercommunalité semble donc un outil susceptible de répondre aux disparités spatiales, d’équipements et de services. Néanmoins, l'efficacité de ces groupements reste à démontrer à moyen et long termes.

C’est la raison pour laquelle, à travers le cas de la Communauté d'Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) – qui regroupe 43,4 % de la population totale de l’île répartie sur 15 % de sa surface (INSEE, 1999) – ses modalités de fonctionnement seront présentées et sa pertinence analysée.

 

I. La définition d'un périmètre communautaire : entre pragmatisme et utopie

Le 27 décembre 2000, les communes de Saint-Joseph, du Lamentin, de Schœlcher et de Fort-de-France ont abandonné le SICEM (Syndicat Intercommunal des communes du Centre de la Martinique) au profit d’un EPCI disposant d'un plus grand nombre de compétences : la communauté d'agglomération. L’un des objectifs premiers d’une communauté d’agglomération est d’améliorer le cadre de vie de ses administrés, en mettant à leur disposition l’ensemble des équipements et des services dont ils ont besoin (traitement et valorisation des ordures ménagères, assainissement, mise en place de dispensaires, d’écoles, etc.). Ainsi, pour répondre à cette demande, les quatre communes de la CACEM ont dû transférer une partie de leurs compétences à la communauté d'agglomération.

Une question demeure néanmoins : quels facteurs ont prévalu pour délimiter l’espace communautaire ? Répondre à cette question s’avère d’autant plus difficile, quand on sait que cet espace n’intègre pas l’aire d’attraction du binôme Fort-de-France / Le Lamentin, dont l’influence s’exerce bien au-delà du périmètre de la CACEM. Cet espace communautaire ne reflète donc pas la réalité des bassins d'emplois, d'équipements, d'habitats ou encore de déplacements qui prévalent au centre de l’île (figure 1). On peut donc légitimement penser que cette structure est trop étroite au regard de ses compétences et de l'étendue de ses ressources financières.

Des outils de planification venant d’être mis en place, il semble tout aussi légitime de s’interroger quant à leur efficacité. 

 

II. Des outils de planification qui se veulent cohérents
II.1 Une planification des politiques urbaines

Le premier outil de planification est le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT). Il s’agit d’un document qui permet d’ajuster au mieux les futures politiques d'aménagement de l’espace communautaire et d’en déterminer les grandes orientations à court, moyen et long termes. Les SCOT doivent permettre aussi la mise en place d’une véritable politique urbaine ; une bonne définition du périmètre communautaire s’avère donc primordiale.

Dans le cas de la CACEM, non seulement le contrat d'agglomération accuse un certain retard (puisqu’en octobre 2004 ce document n'était toujours accepté), mais certains volets manquent de substance ; c’est le cas notamment du volet « Foncier et urbanisme opérationnel » qui se réduit à un simple constat sous forme d’énumérations.

En outre, le périmètre du SCOT semble trop restreint, car il se superpose à celui de l'EPCI. A titre d’exemple, le SCOT du Beaujolais – en France métropolitaine – comprend 137 communes réparties au sein de 13 communautés de communes ; quand on sait que la Martinique ne compte que 34 communes réparties sur 1128 km², l'élaboration de trois SCOT – correspondant aux périmètres des trois EPCI locaux – sous-tend des volontés politiques difficiles à cerner.

II.2 Le cas particulier du transport

Le Plan de Développement Urbain (PDU) de la CACEM, met une nouvelle fois en relief le manque de cohérence du périmètre communautaire. En réalité, l'effort mené par cet EPCI en matière de transport urbain devrait s'étendre aux communes concernées par l'aire d'attraction du binôme Fort-de-France / Le Lamentin. En outre, le PDU de la CACEM ressemble davantage à un catalogue de bonnes intentions, qu’à un document susceptible de répondre aux problèmes du transport dans l'agglomération. En dehors des infrastructures qui ont pour objectifs d'améliorer la mobilité des usagers (trottoirs, adaptations pour les personnes handicapées, réfections de chaussées, etc.), le transport en commun à l'échelle de l'agglomération risque d'être décevant, car il sera directement intégré dans la circulation automobile, risquant ainsi d’accentuer sa congestion.

En réalité, pour attirer un maximum d'usagers vers un mode de transport collectif, il faudrait que celui-ci soit physiquement indépendant du trafic routier, ce qui conduit à la mise en place d’un Transport Collectif en Site Propre (TCSP). Ce projet de TCSP a bien été intégré dans le PDU de la CACEM, cependant, les coûts de réalisation de cet ouvrage sont importants – le montant provisoire du TCSP urbain est de 228 millions d'euros – et risquent d'être rapidement revus à la hausse compte tenu des caractéristiques topographiques, lithologiques et de la densité du tissu urbain. En dépit des difficultés financières et/ou techniques de ce projet, le TCSP urbain est l’une des solutions les plus réalistes permettant de fluidifier le trafic.

La CACEM peut véritablement être considérée comme une réponse aux déséquilibres spatiaux, mais il faudrait cependant que le périmètre communautaire convienne mieux aux réalités fonctionnelles de l'île.

 

III. Quelques orientations pour définir un périmètre plus cohérent

L’objectif premier serait de faire correspondre le périmètre de l’EPCI aux bassins d'équipements, d'emplois, de déplacements et d'habitats ; cela correspond à ce que certains politiques appellent une « intercommunalité réfléchie ».

Il paraît tout aussi évident que l'élaboration de trois SCOT sur un espace aussi exigu relève de l’incohérence. L’objectif n’est pas de mettre en place un EPCI qui regroupe l’ensemble des communes du département – puisque le périmètre d'un EPCI à fiscalité propre ne peut être celui d’un département – toutefois des ajustements s’avèrent nécessaires.

D'autres actions peuvent ensuite être menées dans le but d’accroître la crédibilité de la structure. Des politiques de « labellisation » des équipements et des services les plus sollicités devraient être réalisées ; cette politique peut être orientée notamment vers une certification des pépinières d'entreprises, le but étant de garantir aux jeunes porteurs de projets, un service de qualité. La certification sera ainsi une assurance d’avoir des équipements qui répondent aux exigences des entreprises.

 

Conclusion    

L'intercommunalité est un mode de rationalisation et de réorganisation de l’espace qui à déjà fait ses preuves dans de nombreux domaines, tel que le traitement et la valorisation des ordures ménagères, la gestion de l'eau (adduction, assainissement, etc.) ou encore le domaine foncier. Toutefois, il ne suffit pas d'avoir un outil efficace entre les mains, il faut surtout en faire un bon usage. Ainsi, on peut considérer que la réussite d'une démarche intercommunale dépend essentiellement de la volonté des élus à en faire un réel outil de développement économique et d'aménagement ; l'objectif étant de réduire les déséquilibres spatiaux entre les communes.

La carte intercommunale de la Martinique ne correspondant pas aux réalités fonctionnelles de l'île, cela soulève la question de l'efficacité à long terme de ces établissements. Une coopération intercommunale efficace passe obligatoirement par une bonne définition ou une redéfinition du périmètre communautaire.

 

 

Bibliographie

- Audebert C., Saffache P. 2002. Les quartiers populaires de la ville de Fort-de-France : approche socio-historique et intégration urbaine, La Géographie (Acta Geographica), 1507, p. 20-31.

- Moullet D. La CACEM : de la recherche d’une cohérence territoriale aux déséquilibres spatiaux. Paris : Éditions Publibook Université, Collection Sciences Humaines et Sociales, Série Aménagement et Environnement (sous presse).

- Saffache P. (dir.). 2002. Les outre-mers français et le développement durable.  Paris : Éditions Ibis Presse (Aménagement et Nature), 174 p.

- Saffache P. (dir.). 2003. Aménagement, environnement et développement dans les Départements et Territoires d’Outre-Mer. Paris : Éditions SFM (Écologie et Progrès), 119 p.

 

 

Les Communautés d'Agglomération ont une fiscalité propre et quatre blocs de compétences obligatoires : développement économique, aménagement de l'espace communautaire, politique de la ville et équilibre social de l'habitat.

Le SCOT doit permettre de donner plus de "cohérence" aux politiques urbaines intercommunales ; Et cela à l'aide des Projets d'agglomération et des PLU.

En Martinique, il existe trois EPCI : la CACEM (Communauté d’Agglomération du Centre de la Martinique), l’Espace Sud et la CCNM (Communauté de Communes du Nord de la Martinique).

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6 mars 2009 5 06 /03 /mars /2009 19:34

Vers une prise de conscience de la dégradation des écosystèmes marins guadeloupéens

 

Anne-Laure TRANSLER, Pascal SAFFACHE, Didier MOULLET

 

 

Introduction

Située par 16°30’N et 61°30’W, la Guadeloupe est un archipel composé de deux îles (la Grande-Terre et la Basse-Terre séparées par la rivière Salée) entourées de cinq dépendances : Marie Galante (158 km2), la Désirade (20 km2), les Saintes (13 km2) et à 250 km au nord : Saint-Barthélemy (21 km2) et la partie nord de l’île de Saint-Martin (50 km2). Bien que disposant de 422000 âmes, la population guadeloupéenne n’est pas répartie de façon homogène, ce qui est d’ailleurs accentué par une absence de politique de gestion de l’espace : urbanisation mal contrôlée, littoralisation des équipements structurants, etc. Cette situation a des incidences sur le milieu et particulièrement sur les écosystèmes marins.

Pour ne prendre qu’un exemple, à Marie-Galante, l’activité industrielle - sucrière et rhumière - est responsable d’une pollution organique estimée à 800000 équivalents habitants (Comité de bassin de la Guadeloupe, 2003). Cependant, cette activité n’est pas la seule source de nuisances et de nombreuses autres sont susceptibles d’expliquer la nécrose des platures coralliennes et plus généralement une importante diminution spécifique (Saffache, 2002 [1] ; Saffache et al., 2002 [2] & Saffache et al., 2006). A travers l’exemple du Grand Cul-de-Sac Marin, de la Grande rivière à Goyaves ou encore de l’usine Bonne Mère, ces aspects seront analysés et des solutions proposées.

 

 

I. Un milieu naturel sous influence anthropique 

I.1 État de la richesse écosystémique du Grand Cul-de-Sac Marin

Dans le Grand Cul-de-Sac Marin, la mangrove occupe plus de 2300 hectares (Chauvaud, 1997). Cet écosystème adopte une structuration spatiale proche de celle de ses voisines caribéennes : les fronts pionniers, formés de Rhizophora mangle (palétuviers rouges), sont ceinturés en amont par une frange d’Avicennia germinans et d’Avicennia schaueriana (palétuviers blancs et noirs), bordée elle-même par des associations de mangles blancs et gris (Laguncularia racemosa et Conocarpus erectus). Ainsi, entre les racines entrelacées des palétuviers se développent de véritables nurseries qui permettent le renouvellement des espèces. Enfin, plus au large, apparaissent des récifs coralliens qui se scindent en deux catégories : les récifs frangeants et les récifs barrières. Quelles que soient leurs caractéristiques, une faune nombreuse et variée leur est inféodée : 570 espèces de mollusques (Pointier et al., 1990), une soixantaine d’espèces de crustacés (Bourgeois-Lebel, 1982), 200 espèces de poissons (Bouchon-Navarro et al., 1997) et cinq espèces de tortues (Fretey, 1990). Les herbiers qui occupent la plupart des hauts fonds sont symptomatiques d’une bonne qualité sanitaire du milieu ; ces derniers occupent au total plus de 8000 hectares et couvrent plus de 1300 hectares sur la côte est de la Basse-Terre (Saffache et al., 2002 [2]). Cette richesse écosystémique est fortement menacée par des pressions anthropiques plurielles et chroniques (figure 1).

 

I.2 Un espace soumis à de fortes pressions anthropiques

Contrairement à une idée reçue, la réserve naturelle du Grand Cul-de-Sac Marin n’est plus un sanctuaire écologique, puisque de nombreuses atteintes environnementales y ont été recensées. Par exemple, l’unité urbaine de Pointe-à-Pitre/les Abymes , qui concentre plus de 170000 habitants, devrait améliorer sa capacité de traitement des eaux résiduaires, car une importante partie s’écoule dans la réserve. Les pollutions issues de l’agglomération pointoise sont à mettre en relation avec une croissance démographique en décalage avec le renouvellement des infrastructures d’assainissement des eaux usées. De plus, l’entretien et le suivi de ces infrastructures présentent des carences, ce qui sous-tend un manque de contrôle des rejets et plus généralement une capacité d’épuration insuffisante. A titre d’exemple, la population guadeloupéenne est supérieure à 400000 habitants, alors que la capacité des dispositifs communaux d’épuration atteint à peine 200000 équivalents habitants (Comité de bassin de la Guadeloupe, 2003).

La valorisation des boues d’épuration est un problème aussi, car elles sont le plus souvent mises en décharge, ce qui contribue aux pollutions de type organique. Viennent s’ajouter à ces pressions, les dysfonctionnements liés au traitement des ordures ménagères ; en témoigne, la plus grande décharge publique à ciel ouvert de l’île (la décharge de la Gabarre à Grand Camp), localisée au sein même de la mangrove du Grand Cul-de-Sac Marin (DDE, 1995). Dans ces conditions, les eaux de lixiviation s’épanchent directement dans la réserve.

 

Toutes ces pollutions ont un impact sur les écosystèmes du Grand Cul-de-Sac Marin et résultent généralement de l’absence ou du manque d’efficacité des politiques de planification urbaine des communes limitrophes. L’absence de traitement et de valorisation des déchets peut s’expliquer par le poids démographique de l’île qui génère un volume important d’ordures ménagères, par les inconvénients liés à l’insularité, par le coût potentiel d’exportation des déchets produits, bref autant d’éléments qui ne favorisent pas la mise en place d’infrastructures spécialisées dans le recyclage, par exemple. 

Bien que le Grand Cul-de-Sac Marin fasse office d’exutoire relativement pollué ou tout au moins soumis à de fortes pressions anthropiques, d’autres portions du territoire sont elles aussi soumises à des pressions similaires.

 

 

II. Le cas de l’usine Bonne Mère

Le bassin versant de la Grande rivière à Goyaves est 4,5 fois plus grand (158 km²) que les autres bassins versants de l’île ; en outre, l’embouchure de la Grande rivière à Goyaves est située dans une zone humide inscrite sur la liste RAMSAR. La pollution induite par les usines présentes sur son bassin versant dépasse largement la capacité naturelle d’autoépuration du milieu. Dans le cas des distilleries, les vinasses (résidus liquides de distillation du rhum, très acides et riches en matières organiques) sont rejetées dans les rivières et dans les baies sans traitement préalable, ce qui entraîne une chute de la teneur en oxygène de ces milieux et par extension une asphyxie de la faune et de la flore. La distillerie Bonne Mère dispose tout de même d’un méthaniseur qui permet de réduire la charge polluante des vinasses tout en produisant de l’énergie électrique ; l’optimisation de son fonctionnement a permis de réduire la DCO  de 70 % et de produire de l’énergie répondant à 60 % des besoins de l’usine.

La Grande rivière à Goyaves étant le plus long cours d’eau de la Guadeloupe (elle draine 1/6 de l’île de la Basse-Terre), certaines portions de son bassin versant sont soumises à une pollution multiforme, dont une part non négligeable est attribuable aux installations industrielles présentent sur ses rives. L’implication de la distillerie Bonne Mère dans cette pollution est mise en relief dans des études qui font état de la différence des résultats des analyses physico-chimiques entre les stations localisées en amont et celles situées en aval de l’usine. Il est important de souligner qu’une augmentation des charges polluantes a pu être observée durant la période de récolte cannière où la production de rhum est plus intensive, ce qui a pour résultat une augmentation des rejets de vinasses dans les chenaux qui jouxtent cette installation industrielle. Cette pollution est en voie de régularisation, et la forte mobilisation des riverains a été l’occasion d’initier un programme d’aménagement fondé sur l’élaboration d’un contrat de rivière, porté par la Communauté des Communes du Nord Basse-Terre. 

Si les problèmes liés aux rejets polluants de la distillerie Bonne Mère sont en voie de normalisation, grâce à la mise en service d’un second méthaniseur, les autres industries agro-alimentaires de l’île (distilleries et sucreries notamment) présentent de nombreuses carences en terme de traitement de leurs rejets. En témoigne la distillerie Bologne - seconde usine de production de rhum agricole de la Guadeloupe - qui rejette ses vinasses directement en mer, ce qui équivaut à la pollution potentielle d’une population de plus de 23000 habitants.

Sur le bassin versant de la Grande rivière à Goyaves, les rejets industriels ne sont pas l’unique source de pollution ; des rejets d’origine domestique et agricole ont aussi été recensés. Bien que le réseau d’assainissement des eaux usées fasse l’objet d’une attention particulière, ce dispositif d’épuration n’a pas toujours donné des résultats satisfaisants. Dans le cas du bassin versant de la Grande rivière à Goyaves, il est possible de mentionner la station d’épuration du Lamentin dont le milieu récepteur des rejets liquides n’est autre que la mangrove située à l’exutoire du cours d’eau principal. La pollution agricole, quant à elle, résulte prioritairement d’une utilisation de produits phytosanitaires ; de faibles concentrations de chlordécone ont d’ailleurs été identifiées sur le site de prélèvement de la Grande rivière à Goyaves, lors des analyses réalisées par la direction régionale de l’environnement en 2000.

 

III. Bilan et perspectives

Si la pollution industrielle de la Grande rivière à Goyave est en voie de régularisation, il n’en est pas de même des autres sources de pollution qui continuent à alimenter la réserve naturelle du Grand Cul-de-Sac Marin . Les écosystèmes sous-marins sont donc sujets à une pression multiforme qu’il conviendrait de réduire par le biais d’une politique d’aménagement soutenue par les collectivités locales.

Dans un premier temps, il faudrait imposer aux industriels de se conformer à la législation sur l’eau (loi n° 92-3 du 3 janvier 1992) dans les délais les plus brefs (récupération et traitement de leurs effluents). A titre d’exemple, l’usine Bonne Mère utilise actuellement deux méthaniseurs ; il conviendrait donc d’étendre cette politique à l’ensemble des distilleries de l’archipel qui déversent leurs effluents directement dans les cours d’eau, les ravines et/ou les mares environnantes ; les sucreries de Grande Anse (Marie-Galante) et de Gardel par exemple, rejettent respectivement des effluents avoisinant 41000 et 178000 équivalents habitants (IFRECOR, 2005). Ces industries pourraient, par exemple, faire des efforts pour valoriser les vinasses et plus généralement tous leurs effluents liquides ; des installations de traitement existent, mais demeurent très coûteuses, aussi des partenariats devraient être trouvés pour faciliter la mise en place de ces unités de traitement et de valorisation.

Les industries sucrières ont l’avantage de pouvoir recycler certains de leurs rejets comme la bagasse, par exemple. L’usine de bagasse-charbon du Moule, s’est orientée dans cette voie en valorisant sa bagasse qui lui sert de source d’énergie renouvelable. Cette production d’énergie à partir de la biomasse pourrait également être réintégrée sous forme de combustible dans le cycle de la production cannière. Il en est de même des vinasses qui, après traitement, permettent d’obtenir des engrais de très bonne qualité.

 

Les pollutions urbaines quant à elles imposent la mise en place de nouvelles politiques de planification. Les schémas directeurs d’assainissement pourraient permettre de pallier de nombreux problèmes, car il ne s’agit pas de simples programmes d’investissement, mais de vrais documents de programmation qui visent à définir un ensemble d’actions à mener par les communes à court, moyen et long terme, en matière de collecte et de traitement des eaux usées. Les administrés des communes qui ceinturent le Grand Cul-de-Sac Marin sont rarement raccordés à un système de tout à l’égout et l’atomisation de l’habitat dans de nombreux quartiers a conduit les riverains à mettre en place des dispositifs individuels de collecte qui ne sont pas toujours efficaces. Pire encore, en l’absence de dispositifs individuels, il arrive que les effluents soient rejetés directement dans le milieu naturel sans traitement préalable.

Dans le but de répondre a ces contraintes, le développement des mini stations d’épuration (supérieures à 50 équivalents habitants) pourrait être une solution. En réalité, il n’y a pas de solutions miracles et il convient de traiter les déchets à la source en intégrant les administrés à cette démarche ; il s’agit d’une nécessité.

Une gestion domestique pourrait aussi s’avérer efficace avec le développement du compost individuel pour les déchets organiques et les déchets verts. Concernant les matières recyclables (verre, plastique, carton, etc.), la sélection doit se faire à la source avant que celles-ci ne soient acheminées vers un centre de récupération ; le développement de centres de tri pourrait aussi être une démarche intéressante, dans le cas où les administrés n’auraient pas la possibilité de réaliser cette sélection eux même.

Sans l’adhésion des administrés, toutes ces solutions n’auront qu’un effet superficiel et la gestion des déchets sera inefficace. L’objectif de cette politique d’aménagement est bien de réduire fortement la pollution, de s’aligner sur les directives européennes et en définitive de réduire les atteintes les plus néfastes pour l’environnement.

 

Conclusion

Tout comme les autres ensembles écosystémiques de l’archipel guadeloupéen, les écosystèmes du Grand Cul-de-Sac Marin ne connaissent pas de frontières administratives, c’est la raison pour laquelle certaines initiatives en matière de politiques d’aménagement ou de protection devraient faire l’objet d’une démarche de coopération entre les différentes divisions administratives concernées. Des efforts sont réalisés dans cette optique à une échelle intercommunale, avec l’élaboration d’un contrat de rivière (pour la Grande rivière à Goyaves) sous l’égide de la Communauté des Communes du Nord Basse-Terre. La coopération intercommunale devrait permettre de définir un nouveau cadrage pour une politique d’aménagement solidaire entre les communes, mais pour cela il importe qu’un périmètre d’action cohérent soit défini. L’élaboration de nouveaux outils d’aménagement devrait également passer par une meilleure connaissance des ensembles écosystémiques ; c’est d’ailleurs pour cette raison que les politiques doivent obligatoirement faire appel à des chercheurs confirmés, dans le but de contribuer à une meilleure connaissance des biotopes littoraux et marins.

 

Bibliographie

- Bouchon-Navarro Y., Louis M., Bouchon C.1997. Les peuplements ichtyologiques côtiers des Antilles, Cybium, n° 21 (1), p. 107-127.

- Bourgeois-Lebel S. 1982. Crabes de la Guadeloupe, Bulletin de l’APBG, n° 9, p. 32-57.

- Chauvaud S. 1997. Cartographie par télédétection à haute résolution des biocénoses marines côtières de la Guadeloupe et de la Martinique. Estimation de la biomasse et de la production primaire des herbiers à Thalassia testudinum. S.L. : S.N., thèse de doctorat, Université de Bretagne Occidentale, 242 p.

- Comité de bassin de la Guadeloupe. 2003. Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). S.L. : Comité de bassin de la Guadeloupe, 152 p.

- Direction Départementale de l’Equipement. 1995. Impact de la décharge publique de Grand Camp sur la pollution de la Rivière Salée. S.L. : S.N., rapport DDE, cellule du littoral et de l’environnement, 22 p.

- Desse M., Saffache P. 2003. Les coraux dans la Caraïbe : dégradations et gestions différenciées, Ecologie et Progrès, 3, p. 89-105.

- Direction Régionale de l’Environnement (DIREN). 1999. Synthèse de la qualité des eaux et des milieux aquatiques de la Guadeloupe, volume 2. S.L. : S.N., rapport d’étude détaillé, 79 p.

- Direction Régionale de l’Environnement (DIREN). 2000. Diagnostic de la pollution par les pesticides dans les eaux courantes de la Guadeloupe S.L. : S.N.

- Direction Régionale de l’Environnement (DIREN). 2001. Contrat de rivière de la Grande rivière à Goyaves. Dossier sommaire de candidature, Département de la Guadeloupe, S.L. : S.N., 111 p.

- Fretey J. 1990. Les tortues marines. In : La grande encyclopédie de la Caraïbe, Tome 5, p. 182-187.

- Mazeas F. 2005. Bilan de la première phase du plan d'action IFRECOR 2000-2005. S.L. : Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR), DIREN, 64 p.

- Pointier J.P., Eraville J.M., Eraville M.J., Delplanque A. 1990. Les coquillages de Guadeloupe, Xenophora, n° 8, p. 9-12.

- Saffache P. 2002 [1]. Martinique et Guadeloupe : sanctuaires coralliens ou cimetières sous-marins ? Aménagement et Nature, 143-144, p. 77-82.

- Saffache P., Ramdine G. 2002 [2]. Pêche et écosystèmes marins guadeloupéens, Aménagement et Nature, 143-144, p. 101-109.

- Saffache P., Moullet D. 2006. Intercommunalité et dégradations du littoral marie-galantais (archipel de la Guadeloupe), Mer et Littoral, 66, p. 54-57.

 

 

 

 

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6 mars 2009 5 06 /03 /mars /2009 19:28

Pollutions et incidences sur les écosystèmes marins guadeloupéens : le cas de l’usine Bonne Mère

 

Didier MOULLET, Pascal SAFFACHE, Anne-Laure TRANSLER

 

 

De nature archipélagique, la Guadeloupe comprend cinq dépendances : Marie Galante (158 km2), la Désirade (20 km2), les Saintes (13 km2) et deux îles situées à 250 km au nord : Saint-Barthélemy (21 km2) et la partie nord de l’île de Saint-Martin (50 km2). Si on y ajoute la Grande Terre et la Basse Terre, la Guadeloupe couvre 1900 km² environ.

Avec une population de 422000 habitants et une densité moyenne de 250 hab/km², la pression démographique s’exerce prioritairement du littoral vers l’intérieur des terres, avec une forte concentration de population le long du trait de côte, des axes routiers et autour de l’agglomération pointoise. A l’image des autres DOM, la Guadeloupe est marquée par l’hypertrophie de son secteur tertiaire, une urbanisation galopante et des carences en matière de politique de planification et d’aménagement. Les données économiques disponibles mettent en lumière deux principales cultures, la canne à sucre et la banane, qui représentent avec l’activité touristique le moteur de l’économie locale.

Bien que la canne à sucre jouisse d’un rôle historique et culturel très fort, cette graminée sous-tend de véritables problèmes de pollution, puisque la distillerie Bonne Mère, par exemple, concentre à elle seule, 60 % de la pollution organique de la filière guadeloupéenne de sucre et de rhum (500000 EH). Il s’agit d’une pollution plurielle (chimique, thermique, olfactive, etc.) à l’origine de la dégradation des écosystèmes littoraux.

 

I. Une pollution plurielle

Si l’île de la Dominique compte un peu plus de 300 rivières, en Guadeloupe, on ne recense qu’une cinquantaine de rivières pérennes dont les bassins versants ont des superficies inférieures à 35 km² (DIREN). Le bassin versant de la Grande Rivière à Goyaves fait donc office de géant, puisqu’il couvre 158 km². Cette rivière s’épanche dans une zone humide - inscrite sur la liste RAMSAR - constituée de 5500 hectares de mangrove, auxquels s’ajoutent 78 km² de platures coralliennes. La loi de 1976  a permis le classement de ce site en réserve naturelle, mais les écosystèmes littoraux et marins demeurent néanmoins fragiles en raison d’une pollution persistante.

L’usine Bonne Mère, qui se localise sur ce bassin versant, a pendant longtemps déversé ses vinasses (résidus liquides de distillation du rhum, très acides et riches en matières organiques) dans la Grande Rivière à Goyaves, entraînant une chute de la teneur en oxygène du milieu et une asphyxie de la faune et de la flore. La capacité naturelle d’autoépuration de la rivière étant largement dépassée, un méthaniseur fut mis en place sous la pression des riverains, ce qui permit de réduire la charge polluante (- 70 % de la demande chimique en oxygène), tout en produisant de l’énergie électrique (60 % des besoins de l’usine).

Pour tenter de pallier définitivement cette pollution, un contrat de rivières porté par la communauté de communes du Nord Basse-Terre a été commandé et est en cours d’élaboration (DIREN, 2001). Parallèlement, le comité de bassin a réalisé un document d’orientation - le SDAGE - qui recommande une dépollution de la partie aval de la Grande rivière à Goyaves.  Si les problèmes liés aux rejets polluants de la distillerie Bonne Mère sont en voie de résorption, notamment grâce à la mise en service d’un second méthaniseur, la problématique de la contamination rivulaire et marine est encore forte en Guadeloupe ; en témoigne, la distillerie Bologne - seconde usine de production de rhum agricole de Guadeloupe - qui rejette ses vinasses en mer, causant une pollution équivalant à celle que pourrait générer la totalité des habitants de la commune de Baie-Mahault (DIREN, 1999).

 

Les rejets industriels ne sont pas l’unique source de pollution sur le bassin versant de la Grande rivière à Goyaves ; des rejets d’origine domestique doivent aussi être pris en compte. Bien que le réseau d’assainissement des eaux usées soit en constante évolution, une étude de la DDASS (actuelle DSDS) a mis en lumière le dysfonctionnement de la moitié des stations d’épuration guadeloupéennes ; ce réseau d’assainissement présente une capacité de traitement de 168000 équivalant habitants (EH) pour une population supérieure à 400000 habitants (DIREN, 1999). Dans le cas du bassin versant de la Grande Rivière à Goyaves, la station d’épuration du Lamentin déverse ses eaux clarifiées dans la mangrove située à son proximité de son exutoire. La dispersion de l’habitat est aussi un facteur aggravant, puisque de nombreux  riverains ne sont pas équipés de fosses septiques ou disposent de fosses inadaptées donc inefficaces.

La pollution agricole participe, elle aussi, à la dégradation des conditions du milieu, en raison d’une utilisation excessive de produits phytosanitaires ; de faibles concentrations de chlordécone ont été identifiées sur le bassin versant de la Grande rivière à Goyaves, lors d’analyses réalisées par la DIREN (2000).

 

II. Bilan et perspectives

Si la pollution de la Grande Rivière à Goyaves est maîtrisée maintenant, il serait souhaitable que la procédure mise en œuvre serve d’exemple aux autres bassins versants de l’archipel, surtout quand on sait que de nombreux polluants s’accumulent régulièrement dans la réserve naturelle du Grand-Cul-de-Sac Marin, par exemple.

 

D’un point de vue purement légal, il faudrait que les industriels se conforment à la législation sur l’eau (loi n° 92-3 du 3 janvier 1992) qui leur impose de récupérer et de traiter les effluents qu’ils produisent. Pour ne prendre qu’un exemple, le méthaniseur de l’usine Bonne Mère a été arrêté entre 1992 et 1995 et durant cette période les vinasses de l’usine ont été rejetées directement dans le milieu naturel ; une étude de la DIREN a estimé que cette pollution équivalait aux rejets des effluents domestiques d’une population de 576000 habitants (DIREN, 1999). On comprend dès lors, la forte mortalité des coraux, l’aspect particulièrement nécrosé de ceux qui survivent et les dangers que cette pollution représente pour les mangroves ou encore les herbiers de phanérogames.

Aujourd’hui, l’usine Bonne Mère utilise deux méthaniseurs, mais il est urgent d’étendre cette politique, car la capacité d’autoépuration du milieu est largement dépassée. Dans le cas de l’usine Bonne Mère, le coût de l’investissement a été de 6,6 millions d’euros et a permis une réduction de près de 95 % des rejets polluants. A titre de comparaison, les sucreries Gardel et Grande Anse (Marie-Galante) rejettent des eaux usées correspondant respectivement à 178000 EH et 41000 EH. Avec une estimation de rejets d’eaux usées de 900000 EH en 2000, la situation de l’industrie guadeloupéenne est donc préoccupante (Mazéas, 2005).

L’industrie cannière pourrait faire des efforts pour valoriser les vinasses et plus généralement les effluents liquides et les gaz. Des installations de traitement existent, mais demeurent très coûteuses, aussi des partenariats devraient être trouvés pour faciliter la mise en place de ces unités de traitement et de valorisation.

L’industrie sucrière a l’avantage de pouvoir recycler certains de ses rejets comme la bagasse, par exemple. L’usine du Moule s’est orientée dans cette voie en valorisant sa bagasse qui lui sert maintenant de source d’énergie renouvelable. Cette production d’énergie à partir de la biomasse pourrait également être réintégrée sous forme de combustible dans le cycle de la production cannière. Il en est de même des vinasses qui, après traitement, pourraient permettre d’obtenir des engrais de bonne qualité.

Ces actions en faveur de l’environnement devraient permettre de rentrer de plein pied dans une démarche de développement durable.

 

La dynamique physique des bassins versants ne connaissant de frontières administratives, certaines initiatives en matière d’aménagement ou de protection des écosystèmes devraient faire l’objet d’une démarche de coopération à différents niveaux : administratif, politique, etc.

L’élaboration de nouveaux outils d’aménagement devrait également passer par une meilleure connaissance des ensembles écosystémiques ; c’est d’ailleurs dans cette optique que les politiques doivent obligatoirement faire appel à des chercheurs confirmés, dans le but de contribuer à une meilleure connaissance des biotopes littoraux et marins.

 

 

Bibliographie

- DIREN. 1999. Synthèse de la qualité des eaux et des milieux aquatiques de la Guadeloupe. S.L. : S.N., volume 2, rapport d’étude détaillé, 79 p.

- DIREN. 2001. Contrat de rivière de la Grande rivière à Goyaves. Dossier sommaire de candidature. S.L. : département de la Guadeloupe, 111 p.

- Mazéas F. 2005. Bilan de la première phase du plan d'action IFRECOR 2000-2005. S.L. : IFRECOR-DIREN, 64 p.

- Saffache P., Ramdine G. 2002. Pêche et écosystèmes marins guadeloupéens, Aménagement et Nature, 143-144, p. 101-109.



 

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5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 18:50

Marie-Galante : une intercommunalité synonyme de dysfonctionnements et de problèmes environnementaux

 

Didier Moullet, Pascal Saffache

Université des Antilles et de la Guyane, campus de Schœlcher, département de géographie-aménagement, BP 7207, 97275 Schœlcher Cedex, Martinique (FWI)

 

 

  Introduction

Située par 15°50’ de latitude nord et 61°20’ de longitude ouest, l’île de Marie-Galante est une dépendance de la Guadeloupe dont les activités principales tournent autour de la pêche, du tourisme et de la transformation de la canne à sucre. D’une superficie de 158 km², cette île circulaire se compose de trois communes : Grand-Bourg au sud-ouest (5934 habitants), Saint-Louis au nord-ouest (2995 habitants) et Capesterre au sud-est (3559 habitants). Ce contexte de double insularité a pour effet de limiter les modalités d’aménagement et de développement de ce territoire ; c’est ce qui explique que les maires des trois communes aient joué la carte de l’intercommunalité.

Si les déséquilibres spatiaux et socio-économiques sont importants entre la Guadeloupe et cette dépendance (Marie-Galante), il en est de même au sein des trois collectivités qui composent la communauté de communes de Marie-Galante. Ces dernières disposent toutefois d’un point commun, la présence de problèmes environnementaux : l’existence de décharges non autorisées et sauvages, de rejets polluants, etc.

Dans le but de mieux appréhender les mécanismes qui régissent le fonctionnement de  l’intercommunalité marie-galantaise, un historique et un état des lieux seront réalisés, suivis d’une présentation des principaux problèmes rencontrés, auxquels seront annexées quelques solutions.

 

 


I.1 Petit historique

A Marie-Galante, la coopération intercommunale a débuté au milieu des années 1960 sous une forme syndicale ; il s’agissait alors d’une association de services, née de l’initiative de quelques élus, ayant pour but d’électrifier les communes membres. L’unité communale étant un périmètre trop exigu, particulièrement lorsqu’il fallut doter les communes des services et des équipements nécessaires au bien-être des administrés (formation, santé, environnement, assainissement, adduction d’eau, voirie, etc.), un Syndicat Intercommunal à Vocation Unique (SIVU) fut créé en 1965, qui se transforma en Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple (SIVOM) en 1966, puis en communauté de communes en 1994. L’objectif final étant la mise en place d’une vraie politique d’aménagement de l’espace.

 

I.2 État des lieux démographique et économique

La dynamique démographique de l’île de Marie-Galante présente une croissance négative depuis plusieurs décennies. A titre d’exemple, le taux de variation moyen annuel de la population a été de - 0,36 % entre 1982 et 1990 et a encore chuté de huit points entre 1990 et 1999. Le poids démographique a diminué également au cours des trois dernières décennies, puisque la population totale est passée de 13757 habitants en 1982 à 13473 habitants en 1990 et enfin à 12488 âmes en 1999. Le taux de variation de la population a donc été de - 9,22 % entre 1982 et 1999, soit une variation annuelle de - 0,54 %.

Autre point notable, la densité de la population varie entre les trois municipalités (figure 1) ; elle est de 107 hab/km² à Grand Bourg, 77 hab/km² à Capesterre et 53 hab/km² à Saint-Louis. Des différences apparaissent aussi au sein de ces municipalités, puisque les zones les plus densément peuplées sont principalement les bourgs et leurs périphéries.

 

L’économie marie-galantaise repose principalement sur la pêche, l’agriculture et sur des activités touristiques et de services. L’absence d’industries en dehors de celle de la canne a contraint la communauté de communes a initier un programme, dont l’objectif était de permettre la réalisation d’activités structurantes : un espace économique et d’emploi a donc été créé en 1997. En dépit de son existence, cet espace n’a pas permis de créer un nombre d’emplois suffisants pour pondérer l’exode vers la Guadeloupe, puisqu’en 2002 sur 270 offres d’emplois, 1189 demandes étaient recensées (ANPE).

Si le préambule des statuts de la communauté de communes semble intégrer un projet communautaire visant à « offrir de nouvelles perspectives de développement aux trois communes de l’île à travers l’approfondissement de la coopération intercommunale », il n’en demeure pas moins que ce projet n’a fait qu’effleurer les problèmes de dépeuplement et de sauvegarde de l’environnement (Deconfin, 2004). 

 

Le conseil communautaire marie-galantais n’a pas un fonctionnement cohérent, puisqu’il comprend actuellement sept membres : trois représentants de la commune de Grand-Bourg, deux représentants de la commune de Capesterre et deux de celle de Saint-Louis. Ce conseil, qui a été renouvelé après les élections municipales de mars 2001, était composé jusqu’alors de six membres. Ses statuts stipulent pourtant que la représentation des communes est assurée par deux conseillers, lorsque le nombre total d’habitants est inférieur ou égal à 4000, et qu’un conseiller supplémentaire est nommé par tranche de 2000 habitants. Dans ces conditions, on comprend mal les raisons pour lesquelles la commune de Grand-Bourg est représentée par trois conseillers, alors même qu’au dernier recensement (1999), sa population était de 5882 habitants (Deconfin, 2004). En 2001, le renouvellement du conseil communautaire aurait dû prendre en considération cet élément, qui remet en cause sa légitimité.

Par ailleurs, la communauté de communes étant compétente en matière de construction, d’entretien et de fonctionnement d’équipements d’intérêt communautaire, la rénovation de la prison de Grand-Bourg lui a été confiée et elle en est devenu le maître d’ouvrage (en 2001) ; le paradoxe vient du fait que le personnel communal récupérera la gestion de cet équipement une fois celui-ci achevé. Il est évident qu’un équipement ne peut pas faire l’objet d’un intérêt communautaire lors de sa réalisation et être géré ensuite par la commune qui l’accueille. De nombreuses autres incohérences de ce type existent au sein de cet EPCI.

 

Le premier agenda 21 local guadeloupéen fut initié en 1999 par les élus marie-galantais. Ces derniers s’engagèrent à mettre en place un plan de développement durable sur l’ensemble du périmètre communautaire. Bien que cet engagement soit louable, de nombreux problèmes subsistent (figure 2) et sont susceptibles de nuire à la crédibilité de ce plan. Par exemple, l’assainissement général de l’île présente de nombreuses lacunes : certains administrés ne sont toujours pas raccordés au réseau de tout à l’égout et les rejets d’eaux usées se font directement dans les ravines accentuant l’eutrophisation des milieux aquatiques. D’importants travaux ont pourtant été réalisés en matière d’assainissement des eaux usées, à commencer par la mise aux normes de l’abattoir de Grande Savane. En réalité, seules les communes de Grand-Bourg et de Saint-Louis disposaient au dernier recensement (1999) d’une véritable station d’épuration. Cette situation n’est pas propre à l’île de Marie-Galante, puisqu’à la fin des années 1990, sur 20 stations d’épuration en service en Guadeloupe, seule une dizaine traitait convenablement les eaux usées (Saffache, 2002 [2]). La dispersion de l’habitat est aussi une cause majeure de pollution, puisque de nombreux riverains ne s’équipent pas de fosses septiques ou disposent de fosses inadaptées donc inefficaces (Saffache, 2002 [2]).

Cette situation sanitaire alarmante est accentuée par le fait que la Direction Départementale de l’Équipement a recensé à Marie-Galante 64 sites soumis à des nuisances graves. A titre d’exemple, les communes de Grand-Bourg, de Capesterre et de Saint-Louis présentent respectivement 24, 23 et 17 points de rejets polluants. Si 70 % de ces rejets résultent des eaux pluviales, la pollution industrielle est bien présente au niveau de la sucrerie et de la distillerie de Grande Anse (commune de Grand-Bourg) dont les rejets de matières en suspension (MES) et de sels minéraux d’origine anthropique favorisent la prolifération d’algues filamenteuses qui étouffent progressivement les platures coralliennes (Saffache, 2002 [2]). Ce type de pollution affecte directement les communautés marines, car les rejets des distilleries se font en mer par le biais de canaux à ciel ouvert ou encore dans des rivières de nature exoréique (DRIRE, 1994). Selon les estimations de la DRIRE, les distilleries marie-galantaises génèrent des rejets annuels de vinasses qui sont comparables aux rejets d’eaux usées domestiques d’environ 20000 habitants. On comprend dès lors, la forte mortalité des coraux et l’aspect particulièrement nécrosé de ceux qui survivent. Cet impact écologique est d’autant moins négligeable qu’il nuit directement à l’image de l’île (Saffache, 2002 [1] ; Saffache, 2002 [2]).

 

Les macros déchets qui s’accumulent sur l’île de Marie-Galante ont eux aussi un impact écologique notable. Leur prolifération résulte de la présence de trois décharges non autorisées : celle de Les Galets à Capesterre, à laquelle il convient d’ajouter les deux décharges de Folle Anse. Leurs nuisances sont importantes : écoulement d’eaux de lixiviation, nuisances olfactives et visuelles, prolifération de rats, de chiens errants, etc. A ces décharges non autorisées s’ajoutent des décharges « sauvages », disséminées sur l’ensemble du périmètre communautaire, dans lesquelles s’accumulent essentiellement des carcasses de voitures et des résidus de matériaux de construction. Ces nuisances participent durablement à l’altération de l’image touristique de l’île.

En dépit de la mise en place d’un Plan Départemental d’Elimination des Ordures Ménagères et Assimilés (PDEOMA), il apparaît que les solutions proposées pour assainir le périmètre communautaire sont difficilement applicables. Huit ans après sa mise en place, ce plan n’a toujours pas répondu au vrai problème de gestion des déchets ; sa révision s’avère donc nécessaire.

 

 

II. Quelques solutions concrètes

II.1 La lutte contre le dépeuplement

Les outils mis en place par la communauté de communes pour réduire l’exode vers la Guadeloupe ont été tardifs ; il est donc trop tôt pour dire si le plan local pour l’insertion et l’emploi sera efficace par exemple. Il n’empêche que la réussite de toutes politiques communautaires doit passer par la mise en place d’une stratégie de développement économique qui prend en considération les particularités de l’île, comme sa double insularité, par exemple. Cette stratégie devra également intégrer un certain nombre de partenaires, dont les actions devraient redynamiser l’emploi. Cette volonté devrait être accompagnée de la réalisation d’infrastructures innovantes en vue du développement économique de l’île, mais surtout en vue de son désenclavement. Par exemple, il conviendrait de réaffirmer la continuité territoriale, de façon à rompre avec les coûts excessifs du transport aérien et maritime qui demeurent inadaptés aux besoins locaux. La politique d’aménagement devra prendre en compte également les besoins en équipements de la population marie-galantaise ; à titre d’exemple, l’île est sous-équipée en ce qui concerne les services destinés aux personnes âgées ou invalides.

 

III.2 Améliorer la gestion de la communauté de communes

Pour améliorer la gestion de la communauté de communes, il importe de respecter ses compétences statutaires, car certaines sont exercées par les municipalités. La redéfinition du conseil communautaire est donc une priorité et les représentants des communes doivent s’appliquer à analyser rigoureusement les projets dans l’optique de l’intérêt communautaire. 

 

II.3 Des mesures pour l’assainissement, le traitement et la valorisation des déchets

Du point de vue de l’assainissement des eaux usées, la mise en place d’une station d’épuration de grande capacité est un investissement onéreux qui ne pourra être supporté en totalité par l’EPCI ; dans ces conditions, ne faudrait-il pas multiplier les minis stations d’épuration en optimisant leur rendement et leur suivi ?

En ce qui concerne les rejets industriels, la solution ne serait-elle pas de mettre les propriétaires face à leurs responsabilités ? Il existe une réglementation en vigueur (installations classées), à laquelle les industriels doivent se conformer ; ils pourraient profiter aussi pour valoriser certains rejets comme la bagasse par exemple, qui constitue une véritable source d’énergie renouvelable, susceptible d’être réintégrée sous forme de combustible dans le cycle de la production sucrière. Bien que les installations qui permettent de valoriser les vinasses soient plus coûteuses, elles permettent d’obtenir de l’engrais de bonne qualité. Ces actions en faveur de l’environnement permettraient à l’île de rentrer de plein pied dans la politique de développement durable.

Aujourd’hui, il n’y a pas de solutions miracles et il s’avère primordial d’associer les administrés à la protection de l’environnement. La fabrication de compost à l’échelle domestique devrait permettre d’éliminer et de valoriser les déchets verts et organiques.

En ce qui concerne les matières recyclables (verre, carton, plastique, etc.), la solution du tri sélectif semble la démarche la plus adaptée. Ainsi, sans une prise de conscience des administrés la gestion des déchets sera inefficace.

 

 

Les difficultés rencontrées par les élus marie-galantais sont un reflet des contraintes liées à la double insularité et les problèmes environnementaux de l’île sont une surexpression de ceux de l’archipel guadeloupéen. Afin de trouver des solutions pour désenclaver Marie-Galante, il est important d’utiliser efficacement les compétences définies dans les statuts de la communauté de communes en donnant à cette structure les ressources nécessaires à son fonctionnement. De plus, il s’avère fondamental de détailler au mieux le statut de cet EPCI, afin de préciser son intérêt communautaire. Par ailleurs, les élus doivent mettre en œuvre une vraie politique de gestion de l’environnement fondée sur l’efficacité (au risque de déplaire à certains investisseurs). Les problèmes environnementaux de l’île de Marie-Galante ne doivent pas rester sans réponse, et ce sont les élus qui doivent trouver les bons partenaires pour réduire les nuisances et permettre une vraie protection du milieu.

 


 


- Agir pour le développement durable. 2004. Reconnaissance du Pays Marie-Galante : Diagnostic du territoire. S.L. : S.N., agenda 21 local, communauté de communes de Marie-Galante, 59 p.

- Deconfin C. 2004. Rapport d'observations établi à la suite du contrôle des comptes et de l'examen de la gestion de la communauté de communes de Marie-Galante. Chambre régionale des comptes de Guadeloupe - Guyane – Martinique, exercices 1998 et suivants, département de Guadeloupe, 21 p.

- DRIRE. 1994. Impacts de l’industrie sur l’environnement. S.L. : S.N., rapport financé par le ministère de l’environnement, 40 p.

- Saffache P. (dir.). 2002 [1]. Les outre-mers français et le développement durable.  Paris : Éditions Ibis Presse (Aménagement et Nature), 174 p.

- Saffache P. 2002 [2]. Martinique et Guadeloupe : sanctuaires coralliens ou cimetières sous-marins ? Aménagement et Nature, 143-144, p. 77-82.

- Saffache P. (dir.). 2003. Aménagement, environnement et développement dans les Départements et Territoires d’Outre-Mer. Paris : Éditions SFM (Écologie et Progrès), 119 p.

- Saffache P. 2005. Glossaire de l’aménagement et du développement local. Paris : Ibis Rouge Éditions - Presses Universitaires Créoles, Collection Documents Pédagogiques – Géographie, 205 p.

 

 

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5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 18:16

 

L’urbanisation caribéenne. Effets et contrastes

Didier MOULLET, Pascal SAFFACHE, Anne-Laure TRANSLER

Université des Antilles et de la Guyane

 

 

Introduction

Bien que les îles de la Caraïbe présentent des caractéristiques historiques, culturelles et économiques similaires, leur urbanisation et leur évolution démographique révèlent des discontinuités majeures. De façon générale, l’urbanisation est contrastée, ce qui conforte l’idée selon laquelle ces espaces insulaires sont des objets hétérogènes, en dépit de leurs critères historiques et culturels homogènes.

Les mutations socioéconomiques observées ont des incidences sur la consommation de l’espace, avec notamment le développement de nouvelles activités économiques dont l’objectif principal repose sur la diversification des secteurs d’activités et un développement rapide du tourisme et de l’industrie. Parallèlement, le déclin de l’activité agricole s’accompagne d’un important exode rural. Ces mutations inter et intra insulaires sont observables dans toutes les îles de la Caraïbe.

 

I. Urbanisation et contrastes territoriaux

L’urbanisation est un processus qui touche inégalement les îles de la Caraïbe, puisque la population urbaine de l’île de Montserrat avoisine 13,8 %, alors que celle de Trinidad est de 76,2 % ; les migrations internes jouent un rôle important dans cette distribution.

Les logiques d’organisation spatiale des îles de la Caraïbe sont traditionnellement convergentes ; la ville principale se localise dans la partie occidentale de l’île, qui constitue la porte d’entrée historique des colonisateurs. Cette localisation est aussi climatique car, elle résulte de la dichotomie entre les côtes au vent et sous le vent. Ces villes ont développé ensuite une position multifonctionnelle en renforçant leur rôle d’interface maritime, par le biais d’une littoralisation de leurs activités et du développement de leurs zones portuaires. L’effet polarisant de la « ville-port » a pour conséquence de favoriser les migrations centripètes des zones rurales vers les secteurs urbains ; c’est le cas à Bridgetown (Barbade), par exemple.

Ainsi, la plupart des îles de la Caraïbe disposent d’une forte population urbanisée autour d’une « capitale-port » multifonctionnelle, et il n’est pas rare que ce processus de concentration s’étende sur plusieurs divisions administratives, constituant ainsi une zone agglomérée. La capitale est située généralement dans une rade ou une baie, l’agglomération se développant ensuite sous la forme d’anneaux semis concentriques, partant du cœur de la « ville-port » vers sa périphérie. Seule l’île de Saba ne répond pas à cette logique en raison de son relief montagneux.

 

De 1950 à 2005, le taux de croissance annuelle de la population urbaine sainte-lucienne avoisinait 2,09 % en moyenne, alors que la population rurale enregistrait une croissance de 0,8 % ; en 2005, la population de l’île était estimée à 161000 habitants pour une croissance moyenne annuelle de 1,7 % (World Population Prospects, 2004).

Bien que les sols volcaniques de cette île soient très fertiles, la topographie limite l’utilisation des terres exploitables (28 % seulement) ; une diminution constante, associée au recul du nombre d’ouvriers agricoles, a conduit de nombreux habitants à se tourner vers la principale ville de l’île : Castries. L’immigration interne s’est poursuivie grâce au développement du tourisme et des zones résidentielles de la paroisse de Gros Islet, dont le petit village s’est transformé depuis en une véritable ville (au nord de Castries). Parallèlement, le développement d’un complexe industriel dans la partie méridionale de l’île a permis une redistribution de la population et fait de Vieux Fort la seconde ville de Sainte-Lucie (PAHO, 2002).

 

D’autres îles présentent des taux d’urbanisation élevés ; c’est le cas d’Anguilla dont la population est urbaine à 100 % ; la superficie de cette île étant très faible (91,57 km²), il est difficile de faire la distinction entre les zones rurales et les zones urbaines. Ses sols arides n’étant pas favorables au développement d’une activité agricole, le tourisme de luxe et les services bancaires sont les principales ressources de l’île. 

 

Depuis le milieu des années 1950, l’urbanisation est devenue un phénomène important, car elle concernait au départ 40 % de la population insulaire caribéenne contre près de 60 % aujourd’hui ; les divisions administratives les plus fortement urbanisées et peuplées sont généralement celles qui accueillent la capitale. Cette dernière remplit de nombreuses fonctions comme celle d’interface maritime ou encore de pôle politico-administratif et économique, ce qui amplifie son attractivité.

 

Les grandes zones urbanisées de la Caraïbe correspondent généralement aux « villes capitales » autour desquelles se sont développés des espaces agglomérés qui peuvent s’étendre sur plusieurs divisions administratives. La petite taille de ces États insulaires est une véritable contrainte pour leur extension horizontale, ce qui sous-tend la formation de villes compactes sur le littoral. L’architecture urbaine conserve souvent des vestiges de l’époque coloniale, avec des bâtiments et des maisons parfaitement rénovés sur la base des modèles architecturaux de l’époque. La structure urbaine est généralement la même quelle que soit l’île étudiée, le site de la capitale se trouvant au fond d’une baie.

Le plan hippodamien de ces villes (appelé aussi plan en damier) se caractérise par des rues qui se croisent à angle droit et qui sont censées permettre une organisation rationnelle de l’espace. Des villes comme Port-of-Spain, Castries, Roseau ou encore Basse-Terre (Guadeloupe) sont autant d’exemples où le plan en damier est un héritage de la période coloniale. Cette distribution présente tout de même des inconvénients : allongement des temps de trajets, complications liées à la topographie, mais plus encore manque de lisibilité de l’espace urbain. Dans le cas de Roseau ou de Castries, par exemple, le plan en damier leur confère une certaine confusion organisationnelle du fait d’un manque d’homogénéité des blocs géométriques.

Un processus concurrentiel s’installe aussi entre la ville principale et sa périphérie, mais on observe dans de nombreux cas une césure nette entre les zones urbaines et les zones rurales.

             

L’exode rural permet de comprendre l’urbanisation rapide de îles de la Caraïbe. Ces dernières doivent accueillir chaque année, des flots de populations rurales pauvres, qui n’arrivent pas à s’intégrer ce qui sous-tend une augmentation de la pauvreté urbaine, tout en accentuant la ségrégation économique et sociale entre le rural et l’urbain (Filgueira, 1995). Quand les zones urbaines ne peuvent plus accueillir ces populations rurales, leur seule alternative est de migrer vers d’autres îles de la Caraïbe ou vers les grandes métropoles nord-Américaines ou européennes.

Les disparités régionales sont nombreuses au sein de ces espaces insulaires, la polarisation exercée par le secteur urbain sur le reste du territoire ne faisant qu’accentuer les déséquilibres régionaux. D’un point de vue général, la pauvreté était plus importante au sein des campagnes, mais la rapidité de l’urbanisation et l’exode rural ont conduit à un relatif équilibre entre les indices urbains et ruraux de pauvreté (Bouillon, 2003). Toutefois, cela ne se vérifie pas dans toutes les îles de la Caraïbe, puisque la pauvreté n’est pas égale entre la ville et la campagne en Dominique ; par exemple, la pauvreté existe dans les zones rurales et urbaines, mais trois quarts des ménages considérés comme pauvres vivent dans les campagnes dominiquaises ; le quart restant se répartissant au sein des deux principaux pôles urbains, Roseau et Portsmouth (Country Poverty Assement, 2003).

 

La distinction entre pauvreté rurale et urbaine semble importante et il est possible d’identifier certains aspects qui témoignent de ces différences. La pauvreté rurale se manifeste le plus souvent par des difficultés d’accès aux services de santé ou encore à l’éducation, en raison d’un manque d’infrastructures. Au sein des villes, la pauvreté est plus visible et la population concernée plus vulnérable. Bien que la criminalité affecte toutes les couches de la société, les pauvres sont plus sujets à celle-ci en milieu urbain. La criminalité à pour conséquence de chasser les populations  aisées vers l’extérieur.

Aujourd’hui, la population qui réside dans le centre de Roseau n’est pas importante et les lieux de résidence se trouvent essentiellement en périphérie. Des villes comme Goodwill et Bath Estate, datant respectivement des années 1950 et 1980, constituent la nouvelle périphérie résidentielle de Roseau (Lipsanen, 2001).

À l’image de bien des centres urbains antillais, l’exemple de Roseau est intéressant dans la mesure où il n’est pas très étendu et où il dispose de quartiers qui se différencient par des critères socioéconomiques clairement définis ; le centre-ville (The central district of Roseau) n’accueille que très peu de résidants et les activités nocturnes se limitent le plus souvent à une faible activité commerciale en temps normal. Des zones de banlieues se sont développées autour de ce centre urbain dès le début du XIXe siècle avec l’établissement de Potter’s Ville et de Newtown ; ensuite, à la faveur d’un vrai programme naquit le quartier de Goodwill (Honychurch, 2004). L’idée initiale de ce projet immobilier est le désengorgement du secteur de Potter’s Ville. Le quartier de Goodwill accueille toutefois une partie de la population aisée de Roseau, avec une hiérarchisation indirecte qui s’opère des parties les plus basses aux parties les plus hautes du district ; on retrouve à Lower Goodwill des maisons individuelles sans jardin privé occupées par une population de classe moyenne, tandis que les hauteurs de ce district (Upper Goodwill) accueillent des résidants bien plus aisés (Lipsanen, 2001). Goodwill a donc fait l’objet d’un « programme d’aménagement concerté » dans le courant des années 1950 et les fondements de ce programme consistaient au développement de logements pour les populations aisées.

 

Les îles de la Caraïbe, sont sujettes à un phénomène de ségrégation socio-spatiale et socio-économique. Cette stratégie résulte de facteurs : démographiques et économiques.

Les différents secteurs qui supportent l’économie ne pouvant absorber l’intégralité des demandeurs d’emplois, ils se voient dans l’obligation d’en refuser un grand nombre ; le tourisme et les services financiers sont le plus souvent les secteurs d’activités les plus prometteurs, mais ils ne permettent pas de répondre à la demande du marché du travail. Cela se traduit par une importante émigration vers des îles comme la Grenade, la Dominique ou encore Saint-Vincent. L’absence d’emploi conjuguée à une croissance démographique positive, contribue à l’exclusion sociale et accentue aussi les déséquilibres régionaux internes. Ces inégalités se traduisent par une distribution irrationnelle des ressources à un niveau tant régional qu’au sein même de la population à travers des différences de revenus. Les causes sont donc très complexes, car elles sont susceptibles d'être attribuées à de nombreux facteurs que l’on peut mettre en relation ; l’instabilité macro-économique, la croissance économique en baisse, l’incapacité du marché du travail à répondre à toutes les demandes, la productivité faible et la faiblesse des salaires associées à un recul de la qualité des services sociaux, sont autant de facteurs qu’il faut prendre en considération.

 

Bibliographie

- Bouillon M. 2003. Social cohesion in Latin America and the Caribbean, IDB document: Inequality, exclusion and poverty in Latin America and the Caribbean: implications for the development. S.L. : S.N.

- Central Intelligence Agency (CIA). 2006. The World Factbook. S.L. : S.N.

- Country Poverty Assessment. 2003. Final Report. S.L. : S.N. Halcrow Group Limited, volume I et II, 216 p.

- Filgueira C., et al., 1995. Part II: Social policy in Latin America, 4. Social Policy in Latin America, in Social policy in a global society. Parallels and Lessons from the Canada–Latin. S.L. : Edited by Daniel Morales-Gómez and Mario Torres A.

- Honychurch L. 2004. Urban Landscaping In Dominica. Housing Estates, in www.lennoxhonychurch.com

- Lipsanen N. 2001. Naturalistic and existential realms of place in Roseau, Dominica, University of Helsinki, department of geography, Master's Thesis, Spring Term ; 8.3 Structure of other districts, 14 Districts of Roseau.

- Pan American Health Organization (PAHO). 2002. Basic country health profiles for the Americas. Saint-Lucia : S.N.

- United Nations. 2004. Population Division of the department of economic and social affairs of the United Nations Secretariat, World Urbanization Prospects: The 2003 Revision., data set in digital form.

- World Population Prospects: « The 2004 Revision Population Database », Official UN estimates (1950-2005) and projections (2005-2050). S.L. : S.N.




 

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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 14:57
 

Introduction


Avec une superficie de 158 km2, l’île de Marie-Galante est la plus grande dépendance de l’archipel guadeloupéen et se situe à 40 km de l’île principale. Fréquemment surnommée la « grande galette », en raison de sa forme ronde, cette île calcaire qui totalisait un peu plus de 12000 âmes au dernier recensement (INSEE, 1999), a une vocation essentiellement cannière, héritage de l’époque coloniale.

En raison de sa localisation géographique, cette île jouit d’une double insularité ; cette situation particulière a rendu encore plus difficile son développement économique, ce qui a conduit les maires des trois communes de l’île (Grand-Bourg, Capesterre et Saint-Louis), à jouer la carte de la coopération intercommunale. Cet élan vit le jour au milieu des années 1960 et pris son essor en 1994 avec la création d’une communauté de communes.

Si les déséquilibres spatiaux et socio-économiques sont importants entre la Guadeloupe et Marie-Galante, il en est de même au sein des trois collectivités qui composent la communauté de communes. S’il est vrai que les quarante dernières années ont été relativement bénéfiques sur le plan de la coopération intercommunale, de nombreux problèmes (dépôts sauvages, décharges non-autorisées et polluantes, rejets divers, etc.) semblent ne pas avoir encore trouvés de remèdes adéquats. Ces aspects seront donc présentés, analysés et des solutions proposées.

 

I. Petit historique de la coopération intercommunale

Les communes n’ayant pas toujours la possibilité de répondre aux besoins de leurs administrés, il est de plus en plus fréquent qu’elles choisissent la carte de la coopération intercommunale pour optimiser la gestion de leurs services : traitement des déchets, assainissement, transport, électrification, etc.

L’île de Marie-Galante ne regroupant que trois communes, ses élus ont opté dès les années soixante pour une démarche associative avec la mise en place d’un Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) de services ; le 21 décembre 1965 un Syndicat Intercommunal à Vocation Unique (SIVU) fut donc créé pour répondre aux problèmes de l’électrification. Par la suite, une collaboration plus forte se tissa entre les trois municipalités (Grand-Bourg, Capesterre et Saint-Louis) qui étendirent les compétences de leur EPCI à d’autres services. Ainsi, naquit le SIVOM ‘Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple) en 1966.

L’isolement de Marie-Galante et ses problèmes d’aménagement et de développement renforcèrent le besoin de coopération. Ainsi, depuis la création du SIVOM, cette structure ne cessa d’élargir ses compétences avec notamment la gestion de l’abattoir et de l’appontement de Folle-Anse, ainsi que la gestion des problèmes d’assainissement, d’adduction d’eau ou encore l’organisation du transport urbain. La suite logique de cette coopération si suivie, fut la création le 18 janvier 1994 de la communauté de communes de Marie-Galante.

Si cette coopération intercommunale – vieille de 40 ans – a permis de véritables avancées économiques, sociales et plus généralement un véritable développement, certains problèmes ne sont toujours pas réglés. En matière de protection de l’environnement par exemple, le stockage des déchets nuit considérablement à l’image touristique de l’île. A l’heure où les élus marie-galantais se sont lancés dans la mise en place d’un Plan de Développement Durable (PDD), il importe de trouver des réponses appropriées aux nuisances environnementales que subit l’île.

 

II. Des problèmes récurrents : gestion de l’eau, rejets de distilleries et de stations d’épuration, présence de décharges non autorisées

Le premier agenda 21 local guadeloupéen fut initié en 1999 par les élus marie-galantais ; ces derniers s’engagèrent à mettre en place un plan de développement durable à l’échelle de la communauté de communes. Si cet engagement est louable, il n’empêche que de nombreux problèmes subsistent et sont susceptibles de nuire à la crédibilité de ce plan. A titre d’exemple, un nouvel abattoir intercommunal fut créé dans la commune de Grand-Anse et équipé d’une station permettant de traiter la plupart des rejets organiques avant leur évacuation en mer. En dépit de ce progrès certain, l’assainissement général de l’île présente encore de nombreuses lacunes : certains administrés ne sont toujours pas raccordés au réseau de tout à l’égout et les rejets d’eaux usées se font directement dans les mares et les ravines accentuant ainsi l’eutrophisation des milieux aquatiques. En réalité, seules les communes de Grand-Bourg et de Saint-Louis disposaient au dernier recensement (1999) d’une véritable station d’épuration. Cette situation sanitaire alarmante fut confirmée par le diagnostic réalisé par la Direction Départementale de l’Equipement (DDE) de Guadeloupe, qui recensa à Marie-Galante près de 64 sites soumis à des nuisances graves. Les communes de Grand-Bourg, de Capesterre et de Saint-Louis ont respectivement 24, 23 et 17 points de rejets polluants. Si 70 % de ces rejets résultent des eaux pluviales, la pollution industrielle est bien présente, particulièrement au niveau de la sucrerie et de la distillerie de Folle Anse (commune de Grand-Bourg) dont les effluents, riches en matière en suspension, colmatent la partie sommitale des platures coralliennes et recouvrent les herbiers de phanérogames les empêchant durablement de croître.

 

Les macros déchets présents à Marie-Galante ont eux aussi un impact écologique notable. Leur prolifération résulte de la présence de trois décharges non autorisées : celle de Les Galets à Capesterre, et les deux décharges de Folle Anse. Si la loi européenne du 12 juillet 1992, interdit la mise en décharge des déchets bruts au-delà du 1er juillet 2002, il s’avère que son application est actuellement impossible à Marie-Galante en raison de sa double insularité. En effet, exporter les déchets marie-galantais sur l’île de la Guadeloupe dans le but de les incinérer n’est pas viable. Ainsi, les déchets collectés sur l’île sont à la charge de la communauté de communes qui les entrepose dans les trois décharges non autorisées à l’origine de nuisances importantes : écoulement d’eaux de lixiviation, nuisances olfactives et visuelles, prolifération de rats, de chiens errants, etc.

Aux décharges non autorisées s’ajoutent des décharges « sauvages », disséminées sur l’ensemble du périmètre communautaire, dans lesquelles on retrouve essentiellement des carcasses de voitures ou encore des résidus de matériaux de construction. Ces nuisances sont très nocives pour l’image touristique de l’île.

En dépit de la mise en place d’un Plan Départemental d’Elimination des Ordures Ménagères et Assimilés (PDEOMA), il apparaît que les solutions proposées pour assainir le périmètre communautaire sont difficilement applicables à l’île de Marie-Galante. Huit ans après sa mise en place, ce plan n’a toujours pas répondu au vrai problème de gestion des déchets ; sa révision s’avère donc nécessaire pour que des mesures adaptées soient mises en œuvre à l’échelle de la Guadeloupe et de ses dépendances.

 

III. Quelques propositions concrètes

Bien que la communauté de communes de Marie-Galante œuvre beaucoup pour le développement et l’aménagement de ses communes membres, certains problèmes demeurent insolubles actuellement.

Du point de vue de l’assainissement des eaux usées, la mise en place d’une station d’épuration de grande capacité est un investissement onéreux qui ne pourra être supporté en totalité par l’EPCI ; dans ces conditions, ne faudrait-il pas multiplier les minis stations d’épuration en optimisant leur rendement et leur suivi ?

En ce qui concerne les rejets industriels, la solution ne serait-elle pas de mettre les propriétaires face à leurs responsabilités ? Il existe une réglementation en vigueur (installations classées), à laquelle les industriels doivent se conformer ; ils pourraient profiter aussi pour valoriser certains rejets comme la bagasse par exemple, qui constitue une véritable source d’énergie renouvelable, susceptible d’être réintégrée sous forme de combustible dans le cycle de la production sucrière. Bien que les installations qui permettent de valoriser les vinasses soient plus coûteuses, elles permettent d’obtenir de l’engrais de bonne qualité. Ces actions en faveur de l’environnement permettrait à l’île de rentrer de plein pied dans une vraie politique de développement durable.

Aujourd’hui, il n’y a pas de solutions miracles et il s’avère primordial d’associer les administrés à la protection de l’environnement. La fabrication de compost à l’échelle domestique devrait permettre d’éliminer et de valoriser les déchets verts et organiques.

En ce qui concerne les matières recyclables (verre, carton, plastique, etc.), la solution du tri sélectif semble la démarche la plus adaptée. Ainsi, sans une prise de conscience des administrés la gestion des déchets sera inefficace.

 

Conclusion

Les problèmes environnementaux de l’île de Marie-Galante ne doivent pas rester sans réponses, et ce sont les élus qui doivent trouver les bons partenaires et les bonnes solutions de façon à réduire les nuisances et permettre une vraie protection de l’environnement.

 

Bibliographie

- Agir pour le développement durable. 2004. Reconnaissance du Pays Marie-Galante : Diagnostic du territoire. S.L. : S.N., agenda 21 local, communauté de communes de Marie-Galante, 59 p.

- CTCS-Martinique, 2002. Dossier relatif à l'impact sur l'environnement de la culture de la canne à la Martinique. S.L. : S.N., 21 p.

- DRIRE. 1994. Impacts de l’industrie sur l’environnement. S.L. : S.N., rapport financé par le ministère de l’environnement, 40 p.

- Saffache P. 2002. Martinique et Guadeloupe : sanctuaires coralliens ou cimetières sous-marins ? Aménagement et Nature, 143-144, p. 77-82.

- Saffache P., Ramdine G. 2002. Pêche et écosystèmes marins guadeloupéens, Aménagement et Nature, 143-144, p. 101-109.




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