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8 mars 2009 7 08 /03 /mars /2009 15:42

La Communauté d’Agglomération

du Centre de la Martinique (CACEM) :

plaidoyer pour une cohérence retrouvée

 

 

Pascal SAFFACHE, Didier MOULLET

Université des Antilles et de la Guyane, département de géographie-aménagement, BP 7207,

97275 Schœlcher Cedex, Martinique (FWI)

 

 

Introduction

En France, depuis la loi du 22 mars 1890 (date de création des premiers syndicats intercommunaux), le nombre d'EPCI n'a cessé de croître : on en compte aujourd’hui 2461. Cette volonté d’organisation et de rationalisation de l’espace est de plus en plus forte dans les Départements d’Outre-Mer, où les déséquilibres spatiaux sont nombreux et exacerbés par l’insularité ; l'intercommunalité semble donc un outil susceptible de répondre aux disparités spatiales, d’équipements et de services. Néanmoins, l'efficacité de ces groupements reste à démontrer à moyen et long termes.

C’est la raison pour laquelle, à travers le cas de la Communauté d'Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) – qui regroupe 43,4 % de la population totale de l’île répartie sur 15 % de sa surface (INSEE, 1999) – ses modalités de fonctionnement seront présentées et sa pertinence analysée.

 

I. La définition d'un périmètre communautaire : entre pragmatisme et utopie

Le 27 décembre 2000, les communes de Saint-Joseph, du Lamentin, de Schœlcher et de Fort-de-France ont abandonné le SICEM (Syndicat Intercommunal des communes du Centre de la Martinique) au profit d’un EPCI disposant d'un plus grand nombre de compétences : la communauté d'agglomération. L’un des objectifs premiers d’une communauté d’agglomération est d’améliorer le cadre de vie de ses administrés, en mettant à leur disposition l’ensemble des équipements et des services dont ils ont besoin (traitement et valorisation des ordures ménagères, assainissement, mise en place de dispensaires, d’écoles, etc.). Ainsi, pour répondre à cette demande, les quatre communes de la CACEM ont dû transférer une partie de leurs compétences à la communauté d'agglomération.

Une question demeure néanmoins : quels facteurs ont prévalu pour délimiter l’espace communautaire ? Répondre à cette question s’avère d’autant plus difficile, quand on sait que cet espace n’intègre pas l’aire d’attraction du binôme Fort-de-France / Le Lamentin, dont l’influence s’exerce bien au-delà du périmètre de la CACEM. Cet espace communautaire ne reflète donc pas la réalité des bassins d'emplois, d'équipements, d'habitats ou encore de déplacements qui prévalent au centre de l’île (figure 1). On peut donc légitimement penser que cette structure est trop étroite au regard de ses compétences et de l'étendue de ses ressources financières.

Des outils de planification venant d’être mis en place, il semble tout aussi légitime de s’interroger quant à leur efficacité. 

 

II. Des outils de planification qui se veulent cohérents
II.1 Une planification des politiques urbaines

Le premier outil de planification est le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT). Il s’agit d’un document qui permet d’ajuster au mieux les futures politiques d'aménagement de l’espace communautaire et d’en déterminer les grandes orientations à court, moyen et long termes. Les SCOT doivent permettre aussi la mise en place d’une véritable politique urbaine ; une bonne définition du périmètre communautaire s’avère donc primordiale.

Dans le cas de la CACEM, non seulement le contrat d'agglomération accuse un certain retard (puisqu’en octobre 2004 ce document n'était toujours accepté), mais certains volets manquent de substance ; c’est le cas notamment du volet « Foncier et urbanisme opérationnel » qui se réduit à un simple constat sous forme d’énumérations.

En outre, le périmètre du SCOT semble trop restreint, car il se superpose à celui de l'EPCI. A titre d’exemple, le SCOT du Beaujolais – en France métropolitaine – comprend 137 communes réparties au sein de 13 communautés de communes ; quand on sait que la Martinique ne compte que 34 communes réparties sur 1128 km², l'élaboration de trois SCOT – correspondant aux périmètres des trois EPCI locaux – sous-tend des volontés politiques difficiles à cerner.

II.2 Le cas particulier du transport

Le Plan de Développement Urbain (PDU) de la CACEM, met une nouvelle fois en relief le manque de cohérence du périmètre communautaire. En réalité, l'effort mené par cet EPCI en matière de transport urbain devrait s'étendre aux communes concernées par l'aire d'attraction du binôme Fort-de-France / Le Lamentin. En outre, le PDU de la CACEM ressemble davantage à un catalogue de bonnes intentions, qu’à un document susceptible de répondre aux problèmes du transport dans l'agglomération. En dehors des infrastructures qui ont pour objectifs d'améliorer la mobilité des usagers (trottoirs, adaptations pour les personnes handicapées, réfections de chaussées, etc.), le transport en commun à l'échelle de l'agglomération risque d'être décevant, car il sera directement intégré dans la circulation automobile, risquant ainsi d’accentuer sa congestion.

En réalité, pour attirer un maximum d'usagers vers un mode de transport collectif, il faudrait que celui-ci soit physiquement indépendant du trafic routier, ce qui conduit à la mise en place d’un Transport Collectif en Site Propre (TCSP). Ce projet de TCSP a bien été intégré dans le PDU de la CACEM, cependant, les coûts de réalisation de cet ouvrage sont importants – le montant provisoire du TCSP urbain est de 228 millions d'euros – et risquent d'être rapidement revus à la hausse compte tenu des caractéristiques topographiques, lithologiques et de la densité du tissu urbain. En dépit des difficultés financières et/ou techniques de ce projet, le TCSP urbain est l’une des solutions les plus réalistes permettant de fluidifier le trafic.

La CACEM peut véritablement être considérée comme une réponse aux déséquilibres spatiaux, mais il faudrait cependant que le périmètre communautaire convienne mieux aux réalités fonctionnelles de l'île.

 

III. Quelques orientations pour définir un périmètre plus cohérent

L’objectif premier serait de faire correspondre le périmètre de l’EPCI aux bassins d'équipements, d'emplois, de déplacements et d'habitats ; cela correspond à ce que certains politiques appellent une « intercommunalité réfléchie ».

Il paraît tout aussi évident que l'élaboration de trois SCOT sur un espace aussi exigu relève de l’incohérence. L’objectif n’est pas de mettre en place un EPCI qui regroupe l’ensemble des communes du département – puisque le périmètre d'un EPCI à fiscalité propre ne peut être celui d’un département – toutefois des ajustements s’avèrent nécessaires.

D'autres actions peuvent ensuite être menées dans le but d’accroître la crédibilité de la structure. Des politiques de « labellisation » des équipements et des services les plus sollicités devraient être réalisées ; cette politique peut être orientée notamment vers une certification des pépinières d'entreprises, le but étant de garantir aux jeunes porteurs de projets, un service de qualité. La certification sera ainsi une assurance d’avoir des équipements qui répondent aux exigences des entreprises.

 

Conclusion    

L'intercommunalité est un mode de rationalisation et de réorganisation de l’espace qui à déjà fait ses preuves dans de nombreux domaines, tel que le traitement et la valorisation des ordures ménagères, la gestion de l'eau (adduction, assainissement, etc.) ou encore le domaine foncier. Toutefois, il ne suffit pas d'avoir un outil efficace entre les mains, il faut surtout en faire un bon usage. Ainsi, on peut considérer que la réussite d'une démarche intercommunale dépend essentiellement de la volonté des élus à en faire un réel outil de développement économique et d'aménagement ; l'objectif étant de réduire les déséquilibres spatiaux entre les communes.

La carte intercommunale de la Martinique ne correspondant pas aux réalités fonctionnelles de l'île, cela soulève la question de l'efficacité à long terme de ces établissements. Une coopération intercommunale efficace passe obligatoirement par une bonne définition ou une redéfinition du périmètre communautaire.

 

 

Bibliographie

- Audebert C., Saffache P. 2002. Les quartiers populaires de la ville de Fort-de-France : approche socio-historique et intégration urbaine, La Géographie (Acta Geographica), 1507, p. 20-31.

- Moullet D. La CACEM : de la recherche d’une cohérence territoriale aux déséquilibres spatiaux. Paris : Éditions Publibook Université, Collection Sciences Humaines et Sociales, Série Aménagement et Environnement (sous presse).

- Saffache P. (dir.). 2002. Les outre-mers français et le développement durable.  Paris : Éditions Ibis Presse (Aménagement et Nature), 174 p.

- Saffache P. (dir.). 2003. Aménagement, environnement et développement dans les Départements et Territoires d’Outre-Mer. Paris : Éditions SFM (Écologie et Progrès), 119 p.

 

 

Les Communautés d'Agglomération ont une fiscalité propre et quatre blocs de compétences obligatoires : développement économique, aménagement de l'espace communautaire, politique de la ville et équilibre social de l'habitat.

Le SCOT doit permettre de donner plus de "cohérence" aux politiques urbaines intercommunales ; Et cela à l'aide des Projets d'agglomération et des PLU.

En Martinique, il existe trois EPCI : la CACEM (Communauté d’Agglomération du Centre de la Martinique), l’Espace Sud et la CCNM (Communauté de Communes du Nord de la Martinique).

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commentaires

D
Pour info, l'ancien président de cette communauté d'agglomération, en la personne de Serge Letchimy, s'est pris des vapeurs de gas lacrymogène vendredi 6 mars 2009 dans le cadre de la grève générale qui paralyse la Martinique depuis maintenant un mois.
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D
On retrouve cet article sur le net également !
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D
La cohérence n'est toujours pas retrouvée, mais des efforts sont tout de même réalisés pour l'amélioration de certains aspects fonctionnels
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